Algérie

Une «roukia» n?est pas un choix politique



Le monde bouge. L?Algérie attend. Mais elle ne sait même pas ce qu?elle attend.A moins d?une année de la fin du second mandant du Président Abdelaziz Bouteflika, le pays semble partagé entre deux options: celle d?un troisième mandat, qui n?a plus la cote depuis quelques semaines, et celle d?un «aménagement» du mandat actuel du chef de l?Etat, pour le prolonger de deux années supplémentaires, tout en créant un poste de vice-président. Depuis que les partisans du troisième mandat ont été invités à mettre en sourdine leur «exigence» de voir le chef de l?Etat réviser la constitution pour poursuivre l?oeuvre de redressement du pays, il semble que c?est la deuxième option qui ait la cote. On se contenterait alors d?«aménager» la constitution, en attendant que les hypothèques, nombreuses, soient levées. Ce choix aurait l?avantage de ne pas trop bousculer les équilibres internes du pouvoir. Il préserve le statu quo en vigueur depuis des années, ce qui rassure le pouvoir. Car ce que celui-ci redoute le plus, c?est le changement. Consciemment ou non, le pouvoir sent qu?il peut tout contrôler, à condition que rien ne bouge, que rien n?évolue. A l?inverse, il sait qu?un changement dans l?un de ses compartiments peut l?entraîner dans un mouvement incontrôlable, et qu?il aura beaucoup de difficultés pour reprendre les choses en mains.Mais prolonger le mandat du chef de l?Etat, deux années supplémentaires, comporte de nombreux handicaps, juridiques, politiques et moraux, détaillés par M. Mohamed Nabi, samedi dernier, dans «Le Quotidien d?Oran». A tous ces obstacles, il faudra ajouter un autre: une telle décision mettrait le pays en hibernation, à l?image de ce qu?offrait l?Union Soviétique de la fin des années soixante-dix et du début des années quatre vingts. Ce n?est pas seulement l?état de santé du chef de l?Etat, sujet délicat à aborder sur le moral, qui pose problème. C?est le fonctionnement du pays dans son ensemble qui est en cause, car l?ensemble de la machine est paralysée. Il suffit d?évoquer la situation du pays, ces dernières années, pour s?en rendre compte.Du reste, même un système aussi performant que celui des Etats-Unis connaît une période de flottement durant la deuxième moitié du président en exercice. En Algérie, en temps normal, le système politique ne permet pas de prendre des décisions. Il interdit le débat et impose une gestion au coup par coup, sans cap, ni projet politique. Quand, à un système pareil, se greffe une échéance politique importante, tout se fige. Toutes les décisions sont reportées. Tout le monde sait que dans ces situations d?attente, les règles non écrites priment la loi. On passe du statu quo à la glaciation.Depuis trois ans, le pays a plongé dans cette situation. Les responsables du pays ne prennent aucune initiative. Ils gèrent les affaires courantes, dans l?attente de savoir dans quel sens soufflera le vent. Ils font face aux crises et émeutes en ayant recours aux seules méthodes qu?ils connaissent: subventionner et réprimer. D?autres, non initiés, font des va-et-vient incessants. Ils annoncent une décision et font le contraire. Ils privatisent le CPA et se ravisent, en font de même pour Algérie Télécom, et mènent campagne pour réviser la constitution pour se faire discrets quelques semaines plus tard. Cela a abouti à une situation cocasse: des ambassadeurs étrangers se sont, publiquement, plaints de ce que le pays n?offre aucune visibilité! Qu?en est-il alors des Algériens, entrepreneurs ou dirigeants d?entreprises publiques? Mais pendant que l?Algérie attend, le monde autour de nous bouge. Et avance. Avant que l?Algérie n?émette un point de vue sur le projet d?Union pour la Méditerranée, les rôles avaient été distribués. Lassés, les partenaires potentiels s?en vont ailleurs. Renault s?installe au Maroc, et même la Libye, gérée par un système primaire, tente de supplanter l?Algérie sur certains dossiers. Dans de telles conditions, opter pour un troisième mandat est un choix qui comporte de nombreux handicaps, mais cela permettra au moins de faire illusion. La composition d?un nouveau gouvernement, l?agitation autour de son programme, le dispositif à mettre en place pour tout organiser, constitueront autant d?opportunités pour faire semblant d?avoir une vie politique. Par contre, prolonger le mandat actuel de M. Bouteflika de deux années signifie clairement que la léthargie actuelle va se transformer en coma. L?indécision sera, de fait, établie en règle de gestion.Les choix, qui pourraient être faits l?année prochaine, avec les présidentielles, seront reportés de deux ans, qu?il s?agisse de maintenir le chef de l?Etat au pouvoir ou de lui trouver un remplaçant. Et c?est tout le pays qui en sera paralysé pour de longues années encore. Et rien ne dit qu?il pourra se relever après un coma prolongé. A moins d?un miracle, qui consisterait non en une «roukia» de Bouguerra Soltani, mais qui pousserait les dirigeants du pays à prendre la mesure de l?état du pays et à prendre les décisions politiques qui s?imposent pour faire basculer le pays dans le monde moderne et dans la modernité.
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