«Celui qui
voudrait jouer au réformateur à seul fin d'arriver au pouvoir mériterait de se
heurter à des obstacles et dépérir à son tour» Ibn Khaldoun (El Moqaddima)
Lors de ma
dernière participation à la foire de livre à Bruxelles, en février dernier, un
lecteur m'avait interrogé sur les évènements qui secouaient le monde arabe, en
m'interrogeant sur la nature de ces soulèvements est-ce une révolution ou
uniquement une révolte ? A mon humble avis, je pense qu'il tôt de parler d'une
révolution, même si quelques indices nous forcent à espérer pour qu'elle soit
une réelle Révolution. En ce qui concerne l'Algérie, je pense qu'il y a trois
types de mouvements de revendication, certains revendiquent une vraie
révolution institutionnelle, d'autres se sont révoltés contre la distribution
des richesses et enfin d'autres sont dans la revendication syndicale, qui est
une évolution légitime de la société algérienne.
Pour ceux qui
revendiquent un réel changement du système et pas «dans le système», comme le
précise Ali Yahia Abdenour, la Révolution (qui est, rappelons-le, un mouvement
politique amenant, ou tentant d'amener, un changement brusque et en profondeur
dans la structure politique et sociale d'un État, et qui se produit quand un
groupe se révolte contre les autorités en place et prend ou tente de prendre le
pouvoir) est la seule issue pour apporter à long terme des institutions qui
peuvent assurer la pérennité de l'Etat et surtout la stabilité de celle-ci.
Mais malheureusement, on constate que ce n'est pas l'aspiration de tout le
monde, pour de multiples raisons, que je résume en deux points : la peur et les
fausses croyances. Le peuple algérien a eu l'expérience d'un mouvement de
contestation en Octobre 1988, qui malheureusement n'a pas donné de résultats
probants. Cependant, les algériens ont payé une facture lourde pendant la
décennie noire, ce qui les a poussé à se méfier de toute forme de protestation
ou de mouvement, qui n'apporte pas de résultats immédiats. De plus, le pouvoir
a réussi à créer le vide intellectuel dans la société, par l'exode massive de
l'élite national et également des personnes qui aspirent et adhèrent au projet
démocratique. Ce vide est perceptible dans la mesure où le nombre de personnes
qui ont manifesté le 12 février 2011 à Paris et à Montréal sont dix fois plus
que ceux qui ont manifesté à Alger (en prenant en compte l'interdiction des
autorités et de leur répression injustifiée). Une raison de plus de croire
qu'une grande partie des Algériens qui portent le projet républicain et les
valeurs démocratiques, en l'occurrence la laïcité et l'Etat de droit vivent en
exile. On sait, écrit Mohamed Arkoun dans une préface de son ouvrage «Humanisme
et Islam» pour l'édition algérienne, comment l'après-guerre va bouleverser les
cadres sociaux de la connaissance et de la créativité de l'esprit avec
l'expansion rapide des idéologies nationalistes de combat pour la libération
politique. Ni pendant, ni après ce combat victorieux, on s'est interrogé sur
les conditions d'une libération intellectuelle et culturelle des esprits ; on a
plutôt choisi d'enfermer les aspirants à une citoyenneté démocratique dans des
clôtures dogmatiques mêlant religion et nationalisme au point d'instaurer des
violences structurelles dans chaque société».
«Le système»
continue dans sa manipulation en renforçant les fausses croyances, en diffusant
les fausses informations, en complaisance de quelques titres de presse.
Cependant, «le système» a compris, que ce mouvement démocratique a des influences
sur le plan international, ainsi, il se voit obligé de l'assurer, en abrogeant
l'état d'urgence, qui est une vraie manipulation politique. De plus, multiplier
des interviews pour la presse mondiale. Toutefois, la levée de l'état d'urgence
n'a pas été accompagnée par la libération des médias lourds et renforcement des
libertés individuelles, syndicales, associatives et partis politiques.
Pour les
mouvements de révolte auxquels nous assistons au quotidien, pour l'attribution
de logements, les travaux d'aménagement territorial (à l'algérienne,
c'est-à-dire sans respect des normes scientifiques), le chômage, etc., restent
des mouvements spontanés et sporadiques, sans évolution sociale réelle.
Qu'est-ce qu'un homme révolté ? S'interrogea Albert Camus dans l'homme révolté.
Un homme qui dit non, écrit-il. Un esclave qui a reçu des ordres toute sa vie,
juge soudain inacceptable un nouveau commandement, selon Camus. Ces révoltés
des quartiers et dans quelques villes, réclament leur part du gâteau de la
rente pétrolière. Des sentiments d'abondant et d'injustice animent ces jeunes
et les poussent à se révolter contre les autorités locales, qui sont souvent
non qualifiées pour gérer les municipalités, mais également dépourvues de toute
autonomie dans la prise de décision importante. Ces débordements ubiquitaires
sur le territoire national, seront multipliés si la situation n'est pas
absorbée par une vraie volonté de changement. Ainsi, «le système» distribue
ou/et facilite l'obtention d'un crédit pour les jeunes afin de calmer ces
révoltes journalières. Les jeunes ont compris désormais que c'est le moment ou
jamais pour profiter de cette distribution rentière. Ce conditionnement «de
profiter de l'argent de l'Etat» est ainsi renforcé à chaque fois qu'il y a une
crise. Ceci ne contribue guère à l'instauration ni d'un état de droit et ni
d'un citoyen responsable de l'avenir de sa nation.
Enfin, les syndicalistes de tous corps
confondu qui se manifestent un peu partout en Algérie, incarnent l'espoir d'un
réel changement social d'une part au niveau individuel et d'autre part au
niveau institutionnel. Ainsi, ils renforcent la notion de l'effort et de
l'organisation pour l'obtention de plus de droit salarial et les conditions de
travail sont de plus en plus acquises pour les travailleurs algériens. Ce
mouvement, qui s'organise et qui tire des leçons de ses expériences précédentes
est porteur d'un espoir d'une mutation de la société algérienne.
Une chose est sûr
que les voies du changement sont en cours et le «système» est déstabilisé,
contrairement à se qu'il prétend. Les promesses n'ont plus d'effet. Le peuple
veut du changement. Comment et quand ! Le peuple algérien décidera au moment
opportun !
*Neuropsychologue et Auteur de «L'Algérie en
attente» Edilivre, Paris 2009.
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Posté Le : 24/03/2011
Posté par : sofiane
Ecrit par : Yazid Haddar*
Source : www.lequotidien-oran.com