Algérie

Une rentrée politique prometteuse et une autre littéraire terne



Publié le 02.09.2024 dans le Quotidien l’Expression

La diversité linguistique et culturelle, d'une part, et la pluralité politique et partisane, d'autre part, sont les armatures de l'unité nationale. Lorsque la pluralité linguistique est respectée, l'unité nationale est sauvegardée et immunisée. La culture est le ciment de toute société homogène, et dès que la diversité culturelle nationale est palpable, la démocratie est en bonne santé.
La diversité culturelle est le garant indéfectible de toute stabilité politique.
L'Algérie, par la force majeure de sa Constitution et par son histoire culturelle et linguistique millénaire et variée, est un pays qui a toujours vécu, et continue à vivre, dans une pluralité positive perpétuelle avec, de temps en temps, des tensions et des différends, et c'est tout à fait normal.
Lorsque la diversité culturelle et linguistique est muselée ou empêchée, l'unité nationale est menacée. Par l'histoire culturelle et par l'accumulation d'une production littéraire riche et ancestrale, l'Algérie demeure un pays où coexistent avec harmonie deux langues nationales, à savoir l'arabe et le tamazight. Certes, la seconde, c'est-à-dire le tamazight, n'a pas encore les mêmes avantages qui sont attribués à la langue arabe. Mais une avancée, même insuffisante ou timide, est enregistrée dans l'enseignement de cette langue historiquement martyrisée.
Ce qui est remarquable, et il faut le mentionner, c'est cette abondance de publications littéraires en tamazight, tous genres confondus: le roman, la poésie, la critique littéraire, le théâtre et la traduction des textes universels vers cette langue. De Rachid Alliche à Zohra Aoudia, en passant par Amar Mezdad, Djamel Laceb, Dihaya Lwiz, Djamel Benaouf, Said Chemakh, Lynda Koudache, Mohand Akli Salhi et d'autres, la littérature en tamazight s'installe confortablement aux côtés de la littérature en arabe et en français.
L'Algérie est un pays où vivent en paix, en harmonie et en concurrence loyale les cultures nationales, en arabe, en tamazight, en daridja et en français. C'est cette diversité littéraire qui donne l'immunité à la pluralité politique.
Dans la défense de cette différence créative et positive réside le vrai combat pour l'unité nationale et pour la démocratie. Tout intellectuel qui nie la diversité culturelle et linguistique est en train de mener une sorte de guerre qui ne dit pas son nom contre l'unité nationale. Une guerre perdue et condamnée par l'Histoire et par les martyrs.
En cet été algérien de 2024, un été actif et annonciateur d'une rentrée politique riche et prometteuse, nous espérons, en parallèle, assister à une rentrée littéraire aussi encourageante et prospère.
Il n'y a pas de rentrée politique franche et solide en l'absence d'une rentrée littéraire et culturelle cohérente et qualitative. La voix politique, quelle que soit sa crédibilité, sa visibilité et son honnêteté, risque de perdre une partie de sa présence lorsqu'elle n'est pas entourée ou portée par une production littéraire et artistique diversifiée, critique et libre.
Tout projet politico-social, pour assurer le chemin de sa réussite, doit avoir une vision claire et moderne de la chose «culture» en tant qu'âme de la politique dans le sens noble du terme. La culture critique et rationnelle joue un rôle moral vis-à-vis de la politique, rend le politicien sensible à l'Histoire, aux valeurs humaines, à la beauté et au droit à la différence.
Dans une société sans la présence quotidienne de la diversité culturelle nationale, ni l'opposition politique ni le pouvoir en place ne sont en mesure de garantir un avenir meilleur et plus sûr à la nation.
Une élite qui ne parle que de la politique politicienne, ne discute que de la crise sociale matérielle, exprimée dans des discours de plaintes ou d'injures, celle qui n'arrive pas à élargir son discours afin de toucher les horizons culturels est une élite en difficulté politique et sociale, en décalage et en désaccord avec l'avenir de sa société.
Dans une société où le citoyen ne lit pas la bonne littérature, ne regarde pas les grands films, n'écoute pas la bonne musique universelle, n'apprécie pas les toiles d'une exposition dans une galerie d'art, n'assiste pas aux présentations théâtrales, est une société incapable de porter ou de protéger un projet politique ou de le rejeter.

Amin Zaoui



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