Algérie

Une protesta politique inaudible



La rue dans le pays n'est pas dupe de ce qui s'est passé le 10 mai. Aussi, ne se fait-elle aucune illusion sur l'Assemblée nationale issue du scrutin s'étant déroulé à cette date. Pour l'Algérien lambda donc, c'est une autre chambre d'enregistrement dont l'installation aura lieu aujourd'hui samedi, ce qui ne veut pas dire pour autant qu'il va adhérer à la protesta politique qu'une quinzaine de partis s'estimant lésés par la fraude électorale ont décidé d'engager.
Pour aussi «légitime» que puisse être la colère de ces partis, elle ne trouve pas d'écho dans l'opinion qui ne se reconnaît nullement en eux. Il est bon de répéter que l'abstention dans laquelle se refugie une majorité écrasante à chaque échéance électorale n'exprime pas le seul refus citoyen de cautionner les mascarades électorales organisées par le pouvoir. Elle mêle dans son rejet les formations partisanes qui y prennent part. Les autorités savent cela et c'est pourquoi elles ne vont pas faire de «sueurs froides» si les partis contestataires mettent à exécution leur décision de boycott de la nouvelle assemblée.
Il est vrai que l'absence des élus de ces partis à l'installation de l'APN ne va pas dégarnir l'hémicycle de la chambre basse de façon spectaculairement visible pour les Algériens qui en regarderont la retransmission télévisée. Ils ne sont en effet que vingt-huit en tout et encore il semble qu'une bonne partie d'entre eux refusent la directive de boycott donnée par leurs formations partisanes et auraient tout simplement opté pour le changement d'étiquette politique. Ce qui n'est pas pour atténuer le mépris des citoyens pour la classe qui se pique d'être politique.
Gageons que l'effervescence politique que tente d'entretenir «le Front politique pour la sauvegarde de la démocratie», créé par la quinzaine de partis contestataires, va vite s'essouffler, car elle ne trouvera aucun point d'appui dans l'opinion publique. Quinze sigles ne constituent pas forcément une opposition politique, surtout quand derrière la plupart d'entre eux, il y a le «zéro intégral» en termes d'ancrage populaire. Beaucoup d'ailleurs s'en retourneront très vite au néant dont ils ont été tirés par la volonté intéressée des pouvoirs publics.
Le scrutin qu'ils dénoncent après coup aurait peut-être pris une autre tournure si la plupart de ces partis n'y avaient pas participé. C'est sur la profusion de sigles que le pouvoir a établi sa stratégie électorale. Opération réussie qui s'est faite au détriment des formations perçues comme pouvant, malgré leur faiblesse organique et la tiédeur de leur combat politique, être des pôles fédérateurs pour les courants doctrinaux dont elles se revendiquent.
D'une certaine façon donc, le pouvoir est redevable à ces formations ; sauf que leur existence après le 10 mai ne présente plus d'intérêt pour lui. D'où le «conseil apitoyé» que leur a prodigué en son nom, il y a quelques jours, le ministre de l'Intérieur et des Collectivités locales. Celui de se «fondre» dans un des partis de leurs familles politiques respectives disposant d'un ancrage populaire visible. On ne pouvait mieux leur signifier leur «fin de mission».
Le baroud d'honneur des quinze partis ne s'entendra pas au-delà des salons où leurs états-majors se rencontreront et invectiveront le pouvoir liberticide. Puisse l'inanité de leur posture les convaincre de se remettre en cause et les faire réfléchir à une autre forme d'engagement politique que celle de l'intermittence.




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