Algérie

 Une promesse pas comme les autres Il passe le bac pour son fils



Samedi, 09 juin 2007. C'est le premier jour des examens du baccalauréat.Il est 8h30 et les candidats commencent déjà à affluer par petits groupes versle centre d'examen Cherif Djebour à Chlef, un centre réservé aux candidatslibres. Personne ne sait à ce moment précis, ni les candidats, encore moins lepersonnel chargé de l'encadrement, qu'entre les murs de cet établissementscolaire de la wilaya de Chlef allait s'écrire le dernier acte d'uneextraordinaire aventure humaine. En voici le récit tel qu'il nous a étérapporté par un de ses principaux témoins, l'adjoint du chef du centre, M.Khelili Ahmed. Comme à chaque premier jour desépreuves du baccalauréat, la crispation se lit clairement sur les visages descandidats. Parmi ces derniers, le chef du centre et son adjoint distinguent unvisage qui leur est familier, celui d'un collègue, un directeur d'établissementà Chlef même. A première vue, nous confie le chef de centre adjoint, on penseque le collègue en question est venu juste pour accompagner un proche. L'idéequ'il se soit présenté en qualité de candidat n'avait même pas effleuré nosesprits car M. Ensad Amar (c'est le nom du collègue) est un bachelier desannées 70, se rappelle-t-il. Mais finalement, au cours de leurtournée de routine dans les salles d'examen, le chef du centre et son adjointconstatent que M. Ensad est bel et bien candidat au bac cette année. Oncomprend dès lors l'attitude quelque peu étrange de M. Ensad. «C'est comme s'ilessayait de nous éviter», se rappelle M. Khelili. Intrigués et surpris par laprésence de ce candidat pas comme les autres, le chef du centre et son adjointdécident de crever l'abcès. Ils abordent amicalement leur collègue à sa sortiede l'épreuve de l'après-midi. Objectif: avoir des explications sur cettecandidature, pour le moins qu'on puisse dire, inattendue. A ce moment précis,les deux hommes sont loin de penser un seul instant qu'ils avaient mis le doigtsur un fait qui allait complètement les bouleverser.  «C'est une longue histoire»,répond ce candidat connu par sa discrétion et sa pudeur, avant de se laisseraller pour être plus explicite: «En 2002, mon fils est tombé gravement malade,une semaine avant l'examen du baccalauréat qu'il devait passer. En 24 heures,il s'était éteint. Le jour où on l'a mis sous terre, j'ai pris l'engagementsolennel devant Dieu de passer cinq fois le bac en sa mémoire. Je m'étaiségalement engagé à passer le bac dans la même branche (économie) où mon fils étaitinscrit avant qu'il ne décède brutalement le 1er juin 2002. Je passe cetteannée mon cinquième et dernier bac. Si je réussis à décrocher le bac de cetteannée, j'aurai honoré ma promesse car j'ai déjà réussi à passer avec succès lesquatre dernières éditions.»  Le chef du centre Cherif Djebouret son adjoint sont abasourdis par ce qu'ils viennent d'entendre. Emus par cetaveu fort bouleversant, ils évaluent peu à peu le grand courage et la forteabnégation qui ont fallu à cet homme pour relever ce défi. Car pour réussir untel pari, l'homme devait tout refaire. Matheux de formation, M. Ensad Amardevait reprendre tout le programme du cycle secondaire de la série «économie»,de la première à la troisième années secondaire, avec des matières dont il avaitpris connaissance pour la toute première fois. L'autre difficulté est quel'ensemble de ces cours sont enseignés en arabe, ce qui représente unecontrainte de taille pour cet ancien francisant. Pour ce directeur de CEM etpère de famille, le défi était encore plus difficile car il fallait en outretrouver le temps et l'énergie pour pouvoir concilier entre une vieprofessionnelle et une vie familiale assez chargées tout en étant dans la peaud'un lycéen qu'il n'était plus depuis plus de 25 ans déjà.  Avoir cinq fois le bac: c'estl'objectif que s'était fixé, il y a cinq ans aujourd'hui, ce quinquagénaire,directeur du CEM Mohammed Kharchouch à Oued El-Fodda, wilaya de Chlef. Unepromesse faite par un père à son fils tombé malade à une semaine du début des épreuvesdu bac, avant qu'il ne soit brutalement ravi par la faucheuse. C'est aussi untémoignage éternel d'amour adressé à la mémoire d'un être cher, maintenantdisparu.


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