Algérie

Une position et des lectures LE PREMIER MINISTRE TUNISIEN HAMDI JEBALI



Une position et des lectures LE PREMIER MINISTRE TUNISIEN HAMDI JEBALI
Le Premier ministre tunisien démissionnera-t-il en cas d'échec dans son entreprise de former un nouveau gouvernement' Ce que nous émettions hier comme hypothèse est aujourd'hui avancé comme probabilité par Djebali lui-même qui, en mettant en jeu son poste, essaie un dernier tour de vis à l'encontre de son parti qui s'agrippe au pouvoir et ne veut même pas discuter l'éventualité de se départir des ministères régaliens.
Les préoccupations de Jebali et de Ghannouchi divergent et s'opposent même. D'un côté, le leader de la formation au pouvoir cherche, en conservant les ministères régaliens, à garder un oeil sur tout ce qui lui permet de préserver les chances de son parti pour gagner les prochaines élections, comme le ministère de l'Intérieur et celui de la Justice notamment qui peuvent jouer un rôle prépondérant dans la préparation du scrutin, sa surveillance, son contrôle et sa validation. Cette position n'est pas du goût de l'opposition, ni d'ailleurs des partis alliés à Ennahda qui rejettent avec fermeté la domination, voire l'étouffement que veut imposer le parti de Ghannouchi. Ceci a provoqué un blocage qui dure depuis quelque temps et a créé un climat d'instabilité à un moment où l'insécurité menace d'emporter le pays.
De l'autre côté, le Premier ministre, deuxième homme fort du parti Ennahda, a considéré que seule la formation d'un gouvernement apolitique pourrait parvenir à débloquer la situation et que si c'est le cas, rien n'empêche de former un tel gouvernement. La solution n'étant pas du goût d'Ennahda, son propre parti, il a aussitôt rencontré une forte résistance chez les siens. Pour la première fois, Ennahda est divisé. Une aile, celle de Ghannouchi, le numéro un du parti, cherche l'intérêt du parti, entendre par-là ne pas se séparer du pouvoir et gagner l'élection présidentielle qui doit se tenir lorsque l'ANC aura terminé sa mission qui consiste à préparer une Constitution. Pendant ce temps, une autre aile, celle de Jebali, le Premier ministre et numéro deux du parti, cherche d'abord à faire bouger les choses et à éviter au pays de sombrer dans le chaos qui menace de plus en plus surtout avec l'assassinat de Chokri Belaïd.
La marche d'Ennahda a été un flop
Sur le terrain, les pro-Ghannouchi qui avaient voulu faire une démonstration de force ce samedi et imposer au Premier ministre de ne pas toucher aux ministères de l'Intérieur, de la Justice et des Affaires étrangères notamment, avaient appelé à une marche durant laquelle les manifestants rappelaient la «légitimité de leur pouvoir» à leur Premier ministre. Mais la marche fut un véritable fiasco car ni le nombre des manifestants n'était important (3000 personnes selon les estimations les plus optimistes) ni leur marche n'était intéressante à un moment où les Tunisiens se penchaient sur leur avenir, celui du pays dans son ensemble et sa diversité et non celui d'un groupuscule dont les intérêts étroits et immédiats de pouvoir et de leader risquent de mettre le feu à une situation des plus explosives. Malgré les agitations de son parti, Jebali persiste et signe. Il a déclaré former son gouvernement même sans l'aval de son parti s'il le faut car l'heure est à la gravité et que, sous-entend-il, l'acte partisan doit se retirer pour laisser place à l'acte citoyen, l'acte nationaliste. La position de Jebali est à saluer. Oui, rendons à César ce qui appartient à César. Peu de gens à sa place auraient pris cette position qui revient, en fin de compte, à se séparer de son soutien essentiel qui est son parti. Pour son pays, Jebali laisse son parti. Certains pourraient bien placer ce comportement dans le cadre d'une préparation dès à présent de sa candidature à la magistrature suprême, ce qui n'est pas impossible. Ni interdit. La menace de démission que formule sans détour le Premier ministre tunisien est à considérer cependant, sous plusieurs facettes.
Tout d'abord, on peut considérer que c'est une carte que Jebali veut utiliser pour obliger Ghannouchi à le suivre dans cette décision de former un gouvernement apolitique, constitué de technocrates qui n'obéiront à aucun parti. Cette menace de démission peut être regardée comme telle, c'est-à-dire une carte de pression aux mains du Premier ministre, à partir du moment où Ennahda et Ghannouchi n'ont pas intérêt, surtout en ces jours particuliers où tout est en train de vaciller, à perdre le deuxième homme fort du parti, ouvrant la porte grande ouverte sur une crise qui risque de faire mal dans les rangs du parti.
Quelle sera la suite des événements'
Mais cette menace de démission de Jebali peut aussi être considérée comme un avertissement à sa formation politique. Comme quoi, le Premier ministre veut secouer le chef d'Ennahda qui, trop concentré sur le fauteuil de la présidence à venir, oublie jusqu'à la réalité de son pays que la paralysie post-révolution est en train d'effriter chaque jour un peu plus, en mettant sa démission sur la balance, Jebali veut pousser Ghannouchi au réveil pour le salut de la Tunisie.
De même, on pourrait considérer que, pour se démarquer de l'entêtement «irresponsable» de son parti à un moment où l'ouverture et la sagesse sont les seuls moyens d'éviter au pays le pire, Jebali, dans une dernière tentative, affiche sa conviction dans laquelle il place le pays au-dessus des gesticulations partisanes, laissant ces dernières à qui veut camper sur des positions aussi dangereuses qu'idiotes.
Quelle que soit la lecture que l'on en fait, la position du Premier ministre tunisien est tout à son honneur. Il semble vouloir porter secours à un pays qui n'arrive pas à se lever. Il appartient désormais à l'opposition et à ceux qui veulent réellement aider leur pays de le soutenir, surtout s'il renonce volontairement à son soutien naturel. Quelle sera la suite des événements' Personne ne peut s'avancer actuellement. Jebali pourrait bien parvenir à former un gouvernement de technocrates. Il pourrait aussi échouer et partir du gouvernement. Il pourrait être exclu de son parti. Il pourrait même être la cible de quelques assassins égarés devant sa maison du moment qu'il essaie d'incarner l'espoir à un moment où, apparemment, certains n'aimeraient pas que l'on tente de réanimer et de relever la Tunisie. Tout est possible désormais.


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