La grève des boulangers n'a pas fait l'unanimité à l'est du pays. La raison n'est pas à mettre sur la sagacité des gens du métier, loin s'en faut. Dans leur grande majorité les boulangers ont d'autorité augmenté le prix de la baguette depuis le 3 mars dernier. Autrement dit une semaine après la sommation faite par les représentants de la corporation d'une dizaine de wilayas de l'Est.
Une minorité de boulangers a continué malgré tout d'écouler la baguette à 7,50 dinars et c'est vraisemblablement celle-ci qui a répondu à l'appel à la grève. Quoiqu'il en soit, n'est-ce pas là une situation qui, par comparaison aux déclarations solennelles, mouvements de menton, voire les menaces du ministre du Commerce, prête à bouffonnerie.
En fait, Benbada n'est pas le seul ministre à ne pas faire trembler ses vis-à-vis à chaque fois qu'est amorcé un conflit social relevant du secteur. Les Algériens ont, par habitude, appris que la reculade dans pareil cas de figure vient bel et bien à chaque fois du représentant du gouvernement. Pour cela les exemples sont légion, qu'il s'agisse des concessions faites aux personnels des hôpitaux, aux fonctionnaires, aux enseignants, aux travailleurs du secteur des transports publics, aux transporteurs privés, aux gardes-communaux, aux policiers, aux gérants de coopératives immobilières, aux concessionnaires auto. La liste est longue et reste bien entendu ouverte. Que faut-il retenir des nombreux face-à-face entre les syndicats des différents secteurs d'activité et les responsables desdits secteurs ' Qu'il n'existe aucune culture du dialogue, les situations ayant de tout temps été conduites jusqu'au pourrissement pour qu'enfin les protagonistes se rencontrent, conviennent d'une issue généralement répartie sur trois temps : le court, le moyen et le long terme. Le court a toujours permis d'éteindre l'incendie, le moyen d'entretenir les atermoiements et le long pour renvoyer aux calendes grecques les engagements pris. La preuve ' C'est la reprise des hostilités pour les mêmes revendications et retour à la case départ pour un même tempo, de mêmes arguments, de presqu'identiques propositions de sortie de crise.
S'agissant du pain, la question demeure évidemment plus problématique, pour ne pas dire grave, du fait qu'il s'agit du minimum vital de tout Algérien. «Touche pas à mon pain» aurait souhaité opposer une mère de famille à ceux qui ont des velléités d'affamer ses petits, sauf qu'elle n'a pas le droit à la parole pour bien des raisons. D'abord parce qu'elle est mineure au sein de la famille et qu'ensuite elle n'a pas été élevée dans le creuset de la contestation. Le pain, l'un des derniers éléments à même de conduire à une révolution populaire sauf que, paradoxalement, l'idée ne semble même pas effleurer les esprits de ceux parmi les premiers concernés'les catégories vulnérables. En fait l'Algérien semble définitivement domestiqué. La preuve ' Au moment où le ministre du Commerce menace de représailles administratives les boulangers qui modifieront le prix de la baguette, lui (le citoyen) comme un agneau offre son cou à celui qui va le saigner, se rend docilement à l'étal du boulanger de quartier pour l'acheter au prix que celui-ci a unilatéralement décidé.
En 2010, quelques semaines après son installation, Benbada affirmait déjà que «'l'augmentation du prix du pain normal n'est pas à l'ordre du jour», ce qu'il réaffirmera récemment lors de l'installation du bien nommé Conseil national de la concurrence : «Il n'y aura aucune augmentation du prix de la baguette de pain. La question ne se pose même pas.» Le ministre considérant que toute grève en ce sens est illégale et que chacun devait assumer ses responsabilités. «Chiche» ont répondu des grévistes bien loin de trembler devant des mises en garde à répétition émises vraisemblablement juste pour donner le change. Mais le surréalisme atteint son paroxysme avec la désignation de cette commission, neutre est-il besoin de le souligner, chargée de déterminer le coût réel de la fabrication d'une baguette de pain. Une «performance» pourtant à portée de tout écolier en mesure de répondre à un exercice de calcul arithmétique simple déterminant prix de revient et prix de vente. L'argument «imparable» avancé par les cadres du ministère concerné consiste à souligner que le prix de la farine fluctue selon que le produit soit vendu à l'ouest, au centre, au sud ou à l'est du pays. Pour un département réputé réguler le marché national il faut croire que le compte ne risquera jamais d'être bon.
A. L.
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Posté Le : 24/04/2013
Posté par : presse-algerie
Ecrit par : A Lemili
Source : www.latribune-online.com