En chantier depuis l'été dernier, la pièce Bidoun Ounwane (littéralement sans adresse mais qu'on peut comprendre aussi comme sans titre), mise en scène par Saïd Bouabdallah, de la coopérative les Ateliers El Bahia, a finalement été présentée au public lors d'une générale qui a eu lieu, samedi dernier, au TRO Abdelkader Alloula. Le texte, une adaptation libre d'une pièce de l'Emirati Djassem Al Khezzar, est signé de Ali Abdoune.La thématique qui tourne autour du suicide, ou de la tentative de suicide, n'est pas nouvelle, mais ce qui l'est, c'est le contexte. Comme cela a été sans doute le cas pour le texte originel, le metteur en scène a voulu, ou ambitionnait, à travers le drame vécu et raconté par trois personnages de la pièce, toucher du doigt des problèmes qui seraient représentatifs de ceux de l'ensemble de la société, laquelle est symbolisée vaguement, et parfois même de manière caricaturale, par les protagonistes. Saïd Bouabdallah semble avoir délibérément sacrifié quelque peu l'esthétique visuelle, pour se concentrer sur les performances des acteurs.
Au milieu de cette scénographie minimaliste, sont certes mis en avant les dialogues, mais aussi et souvent de longs passages en mode «monologue», et c'est ce qui caractérise ce travail qui peut facilement s'adapter pour une version radiophonique. En revanche, les costumes demeurent évidemment significatifs.
Entre le bleu de travail de Nadji (interprété par Ahmed Laouni), le style classe de Sabrina (Fatima-Zohra Zamaleche) et le costume flambant neuf rehaussé par un haut-de-forme de Si Ameur (Benabdallah Djellab), les clins d'?il à l'appartenance sociale sont évidents, mais là n'est pas l'essentiel.
«Je fais un théâtre populaire et c'est pour cela que pour assurer une distribution la plus large possible, je ne veux pas m'encombrer de décors imposants, ou d'une scénographie qui m'alourdirait dans mes tournées», a confié le responsable de la coopérative théâtrale, en marge de la représentation. La pièce, qui introduit un accessoire important qu'est Le pistolet avec une seule balle (c'est le titre émirati original) se prête à un déroulement qui promet beaucoup de suspense et de retournements de situations.
Les personnages sont déclassés socialement, mais aussi géographiquement, dans la mesure où le lieu choisi pour l'intrigue est situé en dehors de la cité, au milieu d'un marécage informe, symbolisé par une espèce de tapis qui délimite une scène dans la vraie scène du théâtre. Par le truchement d'un décor imaginé pour la circonstance, mais aussi d'un travail sur les lumières, les personnages entrent derrière une porte, mais en présentant d'abord leurs ombres chinoises, comme s'il s'agissait de fantômes qui se matérialiseraient devant les spectateurs.
L'effet est surprenant, d'autant plus que le réalisateur n'utilise pas le code du lever de rideau pour annoncer le début de la pièce. En entrant, les spectateurs se retrouvent d'emblée face à la scène où est planté le décor et aucune annonce ne vient perturber le passage entre la musique d'ambiance qu'on diffuse habituellement pour faire patienter les premiers arrivés et la musique de la pièce (une ?uvre originale signée par Ziani Abderrahim). Le pistolet contient une seule balle, mais paradoxalement, dans ce ménage devenu peu à peu à trois, un seul survivra. Fait inattendu, et c'est sans doute là l'intérêt des adaptations, le clin d'?il à l'aventure périlleuse en mer sur des embarcations de fortune des migrants clandestins accentue l'effet suicide qui, ici, n'est pas seulement motivé par des considérations liées aux conséquences de l'échec et donc de l'intériorité, mais aussi par la témérité de la jeunesse. Cette extrapolation, qu'on devine tragique, justifie le sauvetage du «héros», en prenant conscience de sa propre condition.
N'empêche, malgré la gravité des situations, la pièce ne manque parfois pas d'humour, avec des situations cocasses auxquelles le public a particulièrement réagi. Pour ce 11e travail, depuis sa retraite, l'ancien directeur du TRO a été salué lors d'une cérémonie à laquelle a pris part
Mourad Senouci, l'actuel directeur de cette institution culturelle, qui a indiqué que les portes du TRO resteraient ouvertes aux initiatives extérieures qui viendraient enrichir le répertoire national du quatrième art.
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Posté Le : 17/12/2017
Posté par : presse-algerie
Ecrit par : Djamel Benachour
Source : www.elwatan.com