Dans certaines villes de l'est du pays, des fortunes colossales se sontconstituées en moins d'une décennie sans autre mystère que celui qui entoure lasphère de «l'import-import».Une sphère à vrai dire qui n'a jamais livré ses secrets, du moins ceuxqui peuvent nous éclairer sur un « boom économique » qu'on attendait ailleursque là où il s'est produit. Faut-il souligner que les meilleurs économistes surce registre ont eu pratiquement tout faux. Et pour cause, même s'il est censéévoluer dans un cadre réglementaire, géré par des institutions et structuresofficielles, « l'import-import » n'en est pas moins soumis en underground à desrègles qu'on croyait appartenir au passé. Dans les milieux des affaires à AïnMlila, Aïn Kercha ou Aïn Fakroun, dans la wilaya de Oum-El-Bouaghi, où l'oncompte le plus de milliardaires au kilomètre carré, on vous parlera plutôt deuxfois qu'une de la « parole donnée » que de règles prudentielles, de clausescontractuelles ou de gestion du risque financier. Il est vrai qu'on peut supposer que nombreux sont les commerçants enAlgérie qui continuent à traiter des affaires sur la base d'une confiancemutuelle; mais qu'on vous dise que des patrons d'entreprises turcs et chinoisou des hommes d'affaires de Dubaï traitent avec des Algériens d'affaires qui sechiffrent en milliards sur la seule base de la « parole donnée », le doutereste permis. A moins de donner foi aux confidences de certaines personnes ayant pignonsur rue à Aïn Mlila. Il n'y a pas un, ni deux qui vous parleront de nombreusesvisites d'hommes d'affaires turcs à Aïn Mlila et Aïn Fakroun pour prendreattache avec des Algériens avec lesquels ils entretiennent des relationsd'affaires. Durant le Ramadhan dernier, des Turcs ont passé plusieurs jours à AïnMlila, nous dit-on. L'objet de leur visite n'était autre qu'une énièmetentative de récupérer de l'argent que des gens de Aïn Mlila leur devaient.Comment ils en sont arrivés là ? On nous explique que la floraisond'importateurs dans cette région n'est pas fortuite. Au tout début du trabendode la « valise » avec des pays comme la Turquie ou les Emirats, des Algériensavaient réussi à nouer de solides liens avec des patrons de petites entreprisesqui versaient dans ces pays dans la contrefaçon. Avec l'ouverture du commerceextérieur, certains Algériens avaient réussi à gagner la confiance des Turcs etpouvaient ainsi importer par exemple une marchandise pour deux cent millions enn'avançant à leur vis-à-vis que la moitié de la somme, avec comme seulegarantie la parole donnée. Ainsi, la marchandise est expédiée en Algérie parbateau et facturée pour quelques dizaines de millions que l'Algérien paie parle biais de la banque. Celui-ci ne s'acquittera alors de la totalité de lasomme qu'une fois la marchandise écoulée. Reste à savoir comment, par exemple,l'argent parvient au patron turc à partir de l'Algérie. A cette question, on nous dira qu'il existe en Algérie des personnesspécialisées dans ce créneau qui peuvent vous passer n'importe quelle somme endevise vers la Tunisie. Là aussi, il s'agit de parole donnée. Parce que lapersonne qui veut passer, par exemple, un million en devise n'a autre garantieque la réputation du passeur. S'agit-il du système de la hawala, très en vogueau Moyen-Orient, qui consiste à donner de l'argent dans un pays pour avoir sonéquivalent dans un autre pays ? On nous dira que dans ce cas, c'est non. Eneffet, on nous explique que l'importateur qui veut passer de l'argent vers laTunisie le confie dans une mallette au spécialiste et part le plus normalementvers ce pays voisin. Une fois sur place au rendez-vous convenu, il trouvera sonargent. Cet argent, nous confie-t-on, passe à travers la frontière algéro-tunisiennede la région qui va de Tébessa à Souk Ahras par les filières empruntées par lescontrebandiers. C'est à partir de Tunisie, nous dit-on, que le système dehawala est exercé. L'Algérien, en effet, prend contact dans ce pays avec desgens versés dans ce créneau moyennant finance. Il leur confie une somme àremettre par exemple en Turquie, aux Emirats ou même en Chine à tel individu. «Le spécialiste prend attache avec sa relation en Turquie par exemple, convientavec lui de la somme qu'il doit verser à une personne dont il lui préciseral'identité. Dans certains cas, celui qui doit prendre possession de l'argent enTurquie sera destinataire d'un fax, par exemple, qu'il doit présenter à lapersonne qui va lui remettre l'argent. On nous assurera qu'un Algérien peuttransférer le montant en devise qu'il veut. C'est donc ainsi que les affairesont fleuri entre Turcs et Algériens. Le marché algérien est devenu florissant mais le nombre d'Algériens quidisposaient de fonds n'était pas à la mesure des capacités de production de cespays. C'est alors qu'entra en jeu une sorte de parrainage. En effet, lespatrons turcs se suffisaient de la caution d'un vieux routier algérien pourcéder une marchandise par exemple d'un milliard en ne percevant que 50 millionsde centimes d'un nouveau venu. Ce dernier s'engageait à s'acquitter de latotalité de la somme une fois la marchandise vendue en Algérie. Cette pratiquedure depuis de nombreuses années et a fait beaucoup d'heureux. Mais, selon nos interlocuteurs, les choses commencent à ne pas allercomme avant. En effet, nombreux sont les Algériens qui restent toujoursredevables d'importantes sommes qu'ils n'arrivent pas à rembourser aux Turcs,Emiratis ou Chinois. Ces derniers, nous dit-on, commencent à se méfier et ne cèdentplus aussi facilement qu'avant la marchandise aux Algériens. Cependant, il nes'agit dans le cas des Algériens d'aucune sorte d'escroquerie, puisqu'on nousracontera le cas d'un Algérien à Aïn Mlila qui s'est déplacé avec une personnevenue de Dubaï à la mosquée pour jurer sur le Coran qu'il s'acquittera de sadette une fois la marchandise écoulée. En tout cas, nombreux sont ceux de nos interlocuteurs qui nous affirmentque les affaires ne sont pas aussi bonnes qu'elles l'étaient par le passé. «Les temps sont devenus difficiles ».
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Posté Le : 08/07/2007
Posté par : sofiane
Ecrit par : Mohamed Salah Boureni
Source : www.lequotidien-oran.com