La déferlante
islamiste est aux portes de l'Algérie. Mais à l'inverse de 1991, elle est
attendue avec sérénité.
Les Islamistes
n'ont pas seulement remporté les premières élections libres organisées dans le
monde arabe après le fameux « printemps ». Ils ont aussi montré qu'ils
constituaient la première force politique organisée, la seule qui ait un
véritable ancrage au sein de la société et une réelle assise populaire.
Les résultats
tels qu'ils apparaissent à travers les urnes ne laissent aucune place au doute.
Les islamistes représentent entre 45 et 60 pour cent de l'électorat, chiffres
admis en Tunisie et en Egypte. Au Maroc, ils n'en sont pas loin. En Libye, à
moins d'un puissant vote tribal, ils devraient obtenir des résultats encore
plus élevés, en raison du vide politique hérité de l'ère Kadhafi.
Ces scores fleuve
appellent toutefois plusieurs remarques, et méritent une sérieuse correction.
La victoire des islamistes a été remportée sur le vide, plutôt que dans une
vraie compétition. Elle a été obtenue en éliminant une force politique centrale
: la représentation de l'ancien pouvoir, de ses réseaux et clientèles.
Le Rassemblement
constitutionnel démocratique (RCD) tunisien et le Rassemblement National
Démocratique égyptien ont été dissous. Mais en Tunisie, le RCD ne regroupait
pas seulement le président Ben Ali et sa famille. Il était aussi le parti de
toute l'élite qui dirigeait le pays. Tous les réseaux s'y retrouvaient. Tout ce
qui gravitait autour de l'Etat, de l'administration, de l'armée et des forces
de sécurité était, d'une manière ou d'une autre, lié au RCD.
Dans un système
de type tunisien ou égyptien, comme dans l'ancien système algérien du parti
unique, un responsable, à partir d'un certain seuil, doit montrer une certaine
allégeance pour faire carrière. C'est une nécessité de survie. Cela ne fait pas
forcément de lui un serviteur zélé du régime, ni un militant forcené du système
en place. Il s'agit, pour lui, d'une formalité nécessaire, pas plus.
Mais dans le
contexte des révolutions, cette attitude se paie. Et cette frange de la
population, marquée par la suspicion, s'est trouvée exclue du vote, en Egypte
et en Tunisie. Par contre, au Maroc où le vote s'est déroulé sans chasse aux
sorcières, et où les anciennes structures ont été préservées, la victoire des
islamistes a pris moins d'ampleur. Le makhzen, et avec lui toute la clientèle
traditionnelle du pouvoir, a réussi à conserver ses réseaux, ce qui a amorti
l'impact du vote islamiste.
Tous ces discours
sur la percée des islamistes soulèvent évidemment une question centrale : que
donneraient des élections vraiment libres en Algérie ? La victoire des
islamistes serait-elle aussi tranchée ? La question est aujourd'hui abordée
avec une certaine sérénité. Elle semble soulever beaucoup moins d'appréhension
qu'en 1991.
En fait, la
situation de ces pays présente quelques différences avec celle de l'Algérie. Le
courant islamiste en Tunisie, au Maroc comme en Egypte, est qualifié de «
modéré », à l'inverse de l'Algérie où l'islamisme, symbolisé par Ali Belhadj,
donnait lieu à une compétition effrénée de radicalisme. Dans ces pays, c'est
donc un islamisme de gestion, plutôt rond, soucieux de donner toutes les
assurances sur les droits de l'homme, qui a remporté les élections, réduisant
les courants radicaux à un rôle marginal, même si, en Egypte, les salafistes, dans un parti à part, ont dépassé les 20 pour
cent de voix.
Ces islamistes de
gestion ne visent pas à détruire le système en place pour en créer un autre,
ex-nihilo, mais à adapter les institutions. Leur
modèle est l'AKP turc, qui veut s'intégrer à
l'Europe, et non Khomeiny, qui voulait faire la guerre à l'occident. Les
dirigeants islamistes parlent de bonne gouvernance, de bonne gestion, de lutte
contre la corruption, et tentent d'éviter les classiques sujets piège, comme le
maillot de bain et le hijab. En Algérie, ceci n'est guère envisageable. La
configuration politique est différente, et les partis islamistes ne présentent
pas la même aura. Hamas, associé au pouvoir depuis deux décennies, ne présente
aucune garantie de moralité traditionnelle que le grand public associe à
l'islamisme politique. Abdellah Djaballah
a fini par lasser, avec ses multiples expériences ratées. Quant au FIS, il n'
pas encore soldé la facture des années de sang. A cela s'ajoute la capacité de
manipulation du vote, donnée essentielle de la vie politique algérienne, ce qui
empêche le pays d'avoir une représentation nationale conforme à la volonté
populaire.
Mais ce n'est que
partie remise. Car la déferlante est là, et semble
devoir, tôt ou tard, submerger l'Algérie. Le pays devra l'affronter, et les
trafics électoraux ne font que reculer l'échéance, tant l'épreuve parait
inévitable. Ce jour-là, l'Algérie sera mûre pour devenir un pays moderne, si
elle trouve les ressorts nécessaires pour dépasser l'épreuve, sans recourir aux
janviéristes ni aux généraux putschistes. Et
l'islamisme apparaitra pour ce qu'il est : une
illusion qui a bercé les frustrations et les privations, puis une simple petite
parenthèse. A moins d'une nouvelle dérive, la plus redoutée en fait : une
alliance entre islamistes et armée, comme tentent de l'obtenir les frères
musulmans en Egypte.
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Posté Le : 22/12/2011
Posté par : sofiane
Ecrit par : Abed Charef
Source : www.lequotidien-oran.com