Algérie

Une « page » difficile à tourner en Kabylie



Rien n'indique que la Kabylie « dérogera » aujourd'hui à sa tradition très peu encline à la mobilisation autour d'une échéance électorale. Cette fois plus que d'autres. Le caractère singulier de cette élection, dont la propagande officielle, sans talent comme souvent, n'a fait que confirmer la fonction d'une formalité constitutionnelle devant permettre un troisième mandat pour Bouteflika, la mobilisation du FFS puis du RCD autour du mot d'ordre de boycott et, enfin, un marasme politique général, font que la balance penche nettement vers la réédition de seuils importants d'abstention. Pourtant, jamais sans doute la Kabylie n'a autant été courtisée par les représentants du pouvoir que durant la campagne électorale pour la présidentielle du 9 avril 2009. Tout a été fait, à commencer par d'inédits recueillements à la mémoire des victimes du printemps noir et des promesses mirobolantes de renouveau économique, pour faire passer l'idée que la page du contentieux et du ressentiment est désormais tournée et qu'il s'agit désormais de voir le printemps en bleu, pour reprendre la sémantique des partisans du président candidat.Ce n'est qu'en Kabylie que le président sortant n'aura pas défendu la « continuité » pour son programme de campagne. Simplement parce que la continuité aurait signifié la perpétuation de tout ce qui a fait la fracture entre la région et le néo-candidat. « Ouvrons une nouvelle page ! », avait ainsi invité Bouteflika lors de son meeting du 25 mars à Béjaïa, en joignant à la déclaration la promesse, trop évanescente pour le moment, d'un programme de développement spécial pour la région destiné à rattraper les retards accumulés.Deux jours plus tard, le président candidat, « ému » par le fait de se rendre enfin à Tizi Ouzou sans provoquer de remous alentour, déclare qu'il peut désormais « mourir tranquille », même s'il n'arrive pas encore, du haut de sa fonction, à savoir vraiment qui a été derrière les événements douloureux d'avril 2001. Reconnaître que la Kabylie a été meurtrie, sans aller toutefois jusqu'à en situer les responsables, pour ensuite promettre que la région aura sa part de développement à des volumes préférentiels, voilà résumée la démarche de réconciliation proposée par Bouteflika dont les partisans, les ministres au premier rang, se sont dépensés à démarquer localement, avec l'appui de directions de campagne érigées pour la circonstance en véritables institutions. L'idée répandue dans l'opinion qu'un « chantage économique » était exercé sur la région prendra de l'épaisseur, puisqu'on se demandera à juste titre ce qui a bien pu empêcher des institutions de l'Etat d'assumer la tâche de développement au seuil promis désormais avant que ne pointe l'horizon de ce 9 avril.Que le FFS, à travers ses nombreux meetings dans les wilayas de Kabylie, dénonce donc l'« ostracisme économique », finalement reconnu par le pouvoir lui-même, ne pouvait qu'accrocher des auditoires agressés par ailleurs par la promotion intensive du discours à sens unique et par un unanimisme nourri et engraissé à gros budgets. La débauche inédite de moyens, investissant par ailleurs dans l'enrôlement de figures locales d'anciennes luttes démocratiques, allant de la nomination de Ould Ali L'hadi en tant que directeur de campagne à Tizi Ouzou aux invitations adressées à d'anciens délégués des archs à Béjaïa pour assister à des meetings, n'a finalement fait que rendre encore plus douteuse la démarche là où ses concepteurs cherchaient à la bonifier, car sur ce point, la population avait déjà opéré des décantations sur lesquelles les partisans de Bouteflika semblent vraiment en retard.La parenthèse de la campagne électorale aura cependant, vers sa fin à tout le moins, permis aux cercles de l'opposition démocratique de se refaire une vigueur malgré les interdictions. Le FFS, à travers notamment les marches improvisées à Tizi Ouzou et à Béjaïa, le RCD et les remous provoqués par son drapeau noir, les étudiants, les militants du mouvement syndical et associatif de la haute vallée de la Soummam ont ainsi fait entendre leurs voix, même si la conjoncture reste marquée par l'usure et le désenchantement.C'est cette atmosphère d'abattement général que les cercles proches du pouvoir traduisent un peu trop vite comme une ère de vacuité politique en Kabylie, qui risque aujourd'hui de s'exprimer.


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