Allo ! « C'est
moi (un ami)…on passe sur la 3 à 15 h, «Le dernier train de Gun Hill». On était
lundi 1er mars, un jour de printemps avant l'heure. Je me précipitai pour être
au rendez- vous filmique ; malheureusement, point d'Anthony Quinn encore moins
de Kirk Douglas, sur la A3
à l'heure indiquée. Ces illustres cowboys passaient sur son homonyme française.
Comment aurais-
je pu penser, un seul instant, que notre vénérable «orpheline», selon le terme
consacré des arabographes, nous gratifierait d'une aussi belle Å“uvre
cinématographique ? Pour des sexagénaires attardés comme nous, la nostalgie est
une tare honteuse que l'on tente désespérément d'escamoter, pour ne pas
paraître passéistes ou de «Hisb França». On n'est jamais nostalgique de la
douleur, celle-ci est souvent passée sous silence par l'inconscient; on ne
jubile qu'au souvenir des belles Å“uvres du théâtre juvénile et dont le baisser
de rideau a bien eu lieu depuis fort longtemps. A partir de ce moment, la
chambre noire du souvenir devient un immense défilement d'images, plus fortes
les unes que les autres.
A l'évocation de Kirk Douglas, c'est
immuablement Burt Lancaster dans «Règlement de comptes à OK Corral» ou «l'Homme
qui n'avait pas d'étoile». Le cinéma américain a réussi, dans le western, à
faire d'un bouseux inculte, un mythe planétaire. Si les titres évocateurs
charmaient par l'exotisme qu'ils suggéraient : «Duel au soleil», «Rivière sans
retour» ou par le tragique : «A l'ombre des potences» ou encore «la Prisonnière du
désert», les trames étaient relevé par la sensualité ravageuse des stars
féminines attitrées : Dona Reed, Virginia Mayo, Déborah Kerr, Anne Baxter ou
occasionnelles: Lana Turner et la plantureuse Ava Gardner.
Dans son déclin, à la fin des années de «La Dolce vita» de la pulpeuse
Anita Ekeberg, le cinéma italien en a fait son canasson. Les premiers westerns
«spaghetti» déclinés par des Italiens américanisés, tels que Anthony Dawson,
sentaient fortement la sauce méditerranéenne à travers les Juliano Jemma et les
Gian Maria Volonte. Sergio Léone, qui compris que tout se jouait devant la
caméra, a eu le génie étincelant de ramener des comédiens de deuxième zone dont
la consonance anglo saxonne des patronymes, pouvait donner l'illusion. C'est
ainsi que Clint Eastwood, le justicier solitaire et Lee Van Cleef, le
rébarbatif mauvais garçon, étaient placés quelques films plus loin, sous les
feux de la rampe.
Le western italien, innovait dans le mythe du
pistolet à salves ininterrompues. Il créait génialement, aidé en cela par le
hasard, le genre musical propre à Morricone. La complainte lancinante d'un
harmonica, est inconsciemment superposée à l'image d'un village balayé par une
sinistre bourrasque, rendu désert par des desespérados. Le champ est
subrepticement traversé, par un famélique chien boiteux. La violence
interhumaine, déjà suggérée par le cloître villageois, est annoncée par le
passage d'un lugubre corbillard. Le Yankee, se balançant nonchalamment sur un
rocking chair, mâchonnant le bout éteint d'un cigarillo, le chapeau poussiéreux
rabaissé sur des yeux mi-clos, mais néanmoins vigilants, est bien là.
Courageux, il est seul à être là, le village ne lui a rien demandé ; il prête
ses services à la bonne cause. Il est l'ancêtre de l'actuel gendarme du monde.
Le vacher, traduction française non romanesque de son synonyme américain, même
s'il n'a pas de vaches, est le personnage central de l'ouest américain. Il a
par nature, un visage sculpté, un regard bleu délavé, un reste de barbe, signe
affirmatif de l'aventurier au corps élancé sans toit, ni loi. Il aura cependant
la foi du juste. Le pancho mexicain, fera pour la première fois, son
apparition. Il rappelle que l'Amérique ne s'est pas faite qu'avec les Slaves et
les Anglo-saxons seulement, mais avec les Ibériques aussi, donc des Latins. La
filmographie, y a consacré quelques documents, entre autres, une fresque
intitulée «Caravane vers l'Ouest» dont Jeff Chandler et Susan Hayward étaient
les héros. La procession composée de Basques hululants et doués d'une capacité
de sauter d'un pic rocheux à l'autre, surprenaient les méchants indiens par
leurs voltiges. En dépit de sa douleureuse histoire, l'Afro-américain est
bizarrement absent de ces films, l'Asiatique est plus présent ; il s'agit
souvent d'un commis de commerce chinois. Il est vrai aussi, que la ruée vers
l'or noir et l'or tout court, s'est faite dans le légendaire Far West( Texas et
Nouveau Mexique) ; l'Alabama et la
Louisiane, berceaux de la négritude, sont plutôt atlantiques.
La scénographie forçait sur le trait, elle ne se gênait pour bousculer l'ordre
des choses, jusqu'au paradoxe, tels ces longs cirés dans des contrées où, il ne
pleut que rarement. Elle atteignait le summum du burlesque avec le duo : Bud
Spencer et Terence Hill, napolitains de souche. L'allégorie, rappelait le suave
duo : Laurel et Hardy. Même le cinéma national naissant, s'essaya au western
par l'intermédiaire de Moussa Haddad co réalisateur avec Enzo Peri en 1966 de
«Trois pistolets contre César». Le tournage qui eut lieu dans la steppe de Bou
Saada, n'a pas dérogé au cliché : Canyons, platitude poussiéreuse, charognards
dans un ciel haut. Le merveilleux, l'emportait sur le classicisme de la
thématique usuelle. César, le personnage pivot, nom rencontré d'habitude dans
les péplums, dispose d'un pistolet à quatre canons. C'est peut être là, tout le
charme de ce cinéma qui titille, les puériles fantasmes sommeillant en chacun
de nous.
La démythification du western a commencé bien
avant que Cinecittà, ne s'en occupe ; Fred Zinemann a fait siffler son train à
trois fois, pour avertir Gary Cooper de la venue de son ennemi juré. Il
s'agissait de l'histoire d'un homme, placé seul devant son destin, qui avait
tout simplement peur. Sorti en 1952, en noir et blanc, une hérésie pour un
western où les grands espaces en sont l'atout majeur, ce psychodrame sortait
des sentiers battus du cavalier sans peur et sans reproche. Grâce Kelly, la
future princesse monégasque donnait la réplique au père tranquille du cinéma
américain Dans le rôle muet d'un comparse, Lee Van Cleef, faisait sa première
apparition à l'écran. Il a parcouru depuis lors, un bon bout de chemin, pour
être enfin reconnu. Le western américain, en dépit de son caractère bon enfant
a, de tout temps, été l'instrument de propagande de spoliation qui justifiait
tous les excès génocidaires pratiqués sur les Amérindiens (Fort Apache) et
vexatoires exercés sur les Afro-américains (Autant en emporte le vent). Ce
n'est que sur le tard, qu'il reconnaissait à Cochise, (la Flèche brisée), son statut
d'être humain, mais bien après sa mort ; d'où la sinistre phrase : «un bon
Indien, est un Indien mort !».Phrase lourde de sens, prêtée au général Custer
mais qui serait, en réalité, de son supérieur hiérarchique le général Sheridan.
Ceci ne change rien, à la volonté délibérée d'épuration ethnique. La chasse aux
sorcières du début des années cinquante, a, dans une large mesure, réfrénait
les velléités émancipatrices d'un cinéma pour minorités de couleur. On
supposait que l'idéalisme bolchevique rampant, allait en faire son cheval de
bataille. Cette propension, purement yankee, à anticiper sur les intentions
malveillantes du gourou de l'heure, n'a pas changé depuis lors. La minorité
hébraïque, elle par contre, faisant et défaisant les écheveaux de l'intrigue,
s'offrait les services de la plus meurtrière des machines publicitaires
dogmatiques. De la MGM
à la Twenty Century
Fox, tout lui appartenait. Un seul et unique Arabe, a pénétré le sanctuaire de
Beverly Hill, Omar Sharif ; non pas pour cause d'arabité mais pour cause de
chrétienté. La messe, est ainsi dite ! L'industrie du cinéma, est d'abord
politique avant d'être culturelle. L'archétype du griot faiseur d'images, est
sans contexte le sublimissime John Ford, de souche irlandaise pour ne pas
faillir au coutumier. Humaniste par penchant, il n'en était pas moins
militariste. Il mit son art au service de l'US navy pendant la Seconde Guerre
mondiale, à la bataille de Midway de l'amiral Nimitz et celle des Ardennes de
Patton. Père incontesté du western, il en fit un art abouti du cinéma
universel. Sublimant la suprématie de l'homme blanc sur toutes les autres races
dans ses Å“uvres majeures : «La
Chevauchée fantastique», «la Charge héroïque», «Rio
Grande» ; il se tourne, au crépuscule de sa carrière, vers les couches
ethniques marginales. Le début de cette nouvelle posture intellectuelle, est
inauguré par «Le Sergent noir». Il se lie d'amitié avec Woody Strode, l'acteur
noir qui après Sydney Poitiers, a transpercé le complexe du black ; le révérend
Martin Luther King, n'aura certainement pas prêché dans le désert. Les deux
acteurs fétiches, John Wayne et Henry Fonda, développant des caractères
antinomiques chacun, furent les principaux vérins de ses meilleures
réalisations. Redevable, assurément, aux «Nez percés» et aux «Iroquois» qu'il
n'a pas arrêté de «trucider» à coup de sabres de cavalerie et de winchester à
répétition, il fait amende honorable en clôturant sa carrière par «les
Cheyennes», (Cheyenne Autumn). Il en dira : «J'ai voulu montrer ici le point de
vue des Indiens, pour une fois. Soyons juste. Nous les avons mal traités. C'est
une véritable tâche dans notre histoire. Nous les avons roulés, volés, tués,
assassinés, massacrés, et, si parfois, ils tuaient un homme blanc, on leur
expédiait l'armée» Voici, cher ami Kada, comment on nous vendait du rêve.
Il suffisait pour cela d'une affiche bien
placée et d'un ticket pour «une poignée de monnaie», pour être enlacés par les
bras veloutés d'un fauteuil de salle de projection pour une séance d'onirisme
merveilleux. Desormais, ce plaisir fait partie de notre nécrologie
mémorielle... hélas!
Sources
filmographiques : Wikipédia
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Posté Le : 04/03/2010
Posté par : sofiane
Ecrit par : Farouk Zahi
Source : www.lequotidien-oran.com