Algérie

Une méditation incisive de la vie



Après son premier roman Jeux d'amphores, Luce Caggini, née à Oran, revient avec un truculent opus intitulé Un sourire de mon ami le lion à paraître prochainement chez Gallimard. Elle quitte momentanément l'Algérie fantasmée, sa terre nourricière, pour une autre aventure. Si le titre se veut un clin d''il nostalgique pour sa ville natale ' le lion est l'emblème d'Oran ', le récit va au-delà des frontières. Cheanee, 40 ans, découvre sa séropositivité. La commotion est grande et narcissique. En une nuit, il s'effondre. Comme dans une genèse à rebours, le personnage principal s'efface. Prenant le sens inverse des aiguilles de son temps, il détruit sa mémoire et son corps et agonise dans une vision de fin du monde. Au cours de cette nuit, il verra sa mère, sa femme et son fils comme des êtres de chair venant à son secours. Ce remaniement fait l'inventaire de sa vie d'homosexuel, mélange de rêve et de mue de son état de malade incurable vers un état idéal de l'homme Christ. Rêve assemblé des images de Mariela, l'épouse qui aurait pu être, de sa mère manquée, égarée dans un ailleurs inconsistant, de l'évocation d'un père dans un voyage mythique à Rio. L'enfance qu'il revoit dans une magie chatoyante de sa terre de naissance est la seule réalité qui l'habite dans cet état de vacillement, entre douleur physique et destruction mentale.Dans cette bulle irisée par la douceur des souvenirs et un diabolique supplice de son corps, il croit même mourir dans un hôpital. L'auteur y décrit un chaos intérieur terrible. Cheanee personnage inventé, sa douleur infinie et aussi son inextinguible désir de survie n'en sonnent pas moins vrai. Une partie de l'histoire se passe au Kenya, une seconde à New York et la troisième dans son imaginaire transposé dans une campagne française au nord de Paris. Impeccablement tenu, Un sourire de mon ami le lion déborde de fièvres et d'orages, matinée d'une réflexion d'une rare subtilité sur la nature du sentiment humain. D'origine franco-italienne, Luce Caggini, qui a vécu une partie de son enfance du temps de l'Algérie coloniale, condense plusieurs identités. Elle entre en peinture en 1970. Pendant cette période, le thème de sa peinture était représenté par les personnages émigrés de la Renaissance italienne. Après la peinture, l'écriture devient sa seconde raison d'être. Elle se « réfugie » dans son pays de naissance, l'Algérie, qui a d'ailleurs nourri la trame de son premier roman autobiographique. Luce y raconte, avec panache et émotion, sa descente aux enfers après la disparition de son enfant. Après l'exil, la tourmente et la souffrance vient l'ascension vers une autre vie. Meilleure, cette fois-ci. Belle leçon de courage au féminin.


Votre commentaire s'affichera sur cette page après validation par l'administrateur.
Ceci n'est en aucun cas un formulaire à l'adresse du sujet évoqué,
mais juste un espace d'opinion et d'échange d'idées dans le respect.
Nom & prénom
email : *
Ville *
Pays : *
Profession :
Message : *
(Les champs * sont obligatores)