Algérie

Une marée humaine sur Tizi-Ouzou



Ce sont finalement deux journées, celles de jeudi et vendredi, dédiées à l'expression du rejet du 5e mandat et l'exigence de la fin du système en place que Tizi-Ouzou aura vécues.Deux jours après les étudiants de l'Université Mouloud-Mammeri, les avocats ont pris le relais pour donner une illustration de la montée en puissance des manifestations d'opposition au 5e mandat, en milieu de matinée de jeudi, avant que les militants d'Initiative citoyenne, entité née après l'autodissolution des Arouch, prennent la suite à travers un rassemblement sur le parvis du vieil hôtel de ville agrémenté de prises de parole notamment par l'opposant et membre du mouvement Mouwatana, Djilali Soufiane, juste avant la fin de la matinée du même jeudi. Les robes noires, à travers un comité indépendant du barreau, avaient, quelques jours plus tôt, appelé à une manifestation d'envergure nationale pour dénoncer ce qu'elles ont appelé sur des banderoles déployées «le mandat de la honte» et pour la «rupture radicale avec le système» ou encore leur attachement au peuple.
Une manifestation qui a réuni plusieurs centaines d'entre les 1 900 avocats affiliés au barreau de Tizi-Ouzou auxquels se sont joints quelques-uns de leurs confrères de Laghouat, Ghardaïa, Constantine, Sétif, Bouira et Boumerdès, et la présence notable de Maître Mokrane Aït-Larbi. Le long du parcours improvisé, au fur et à mesure que la procession avançait silencieusement, la manifestation recueillait l'adhésion des citoyens acquis aux mêmes causes.
Un parcours improvisé donc qui prit fin au c?ur de la ville de Tizi-Ouzou, là où les lieux venaient d'être occupés par Mustapha Mazouzi et ses amis d'Initiative citoyenne ainsi que leur invité Djilali Soufiane qui a appelé, d'abord, les partis politiques «ceux qui se disent de l'opposition de se retirer des pseudo-institutions dans lesquelles ils siègent, de marcher avec le peuple», avant d'appeler également les services de sécurité de ne pas user de la répression, de ne pas défier le peuple qui allait affluer dans les rues à travers tout le pays pour exprimer son rejet du 5e mandat et la fin du système en place, vendredi.
Djilali Soufiane le savait sans doute, il n'avait pas besoin de se perdre et s'égosiller en un long discours pour convaincre les populations de Kabylie de sortir crier tout ce qu'elles pensent depuis toujours du pouvoir en place et de celui incarné par Bouteflika, notamment depuis 2001, pour les plus jeunes.
Dans la matinée d'hier déjà, ils étaient plusieurs dizaines à vouloir entamer le mouvement de protestation, mais ils durent se résoudre à économiser leur énergie pour l'après-midi, tel que le leur conseillaient des citoyens avec force arguments du genre : «Ne donnez pas au pouvoir l'occasion de faire croire que le mouvement est fissuré en initiant deux manifestations. Montrons-leur qu'on est pour une fois unis partout dans le pays.»
En fin de compte, ce n'est pas une simple manifestation que Tizi-Ouzou aura vécue hier, c'était tout simplement un déferlement humain tel que la capitale de la Kabylie, pourtant haut lieu en mémorables manifestations, n'en a pas vu depuis longtemps.
Une véritable marée humaine à laquelle personne ne s'attendait. Femmes, enfants, et hommes de tous âges, en jeans, en hidjab, seuls, accompagnés ou en famille, ils s'étaient retrouvés en plusieurs points de rendez-vous au centre-ville avant de faire jonction pour donner une proportion à la marche que même les manifestants eux-mêmes avaient du mal à réaliser.
Organisation parfaite, assurée notamment par des étudiants, puis au fur et à mesure que les milliers de personnes avalaient les dizaines de mètres, des jeunes sur des motos et scooters se sont mis à veiller au caractère harmonieux du mouvement qui, après s'être ébranlé à partir des abords de l'Université de Hasnaoua, sous l'?il de policiers en civil mais d'une très grande discrétion, les premiers milliers de personnes qui ont commencé à battre le pavé du côté de l'université se sont multipliées à l'arrivée sur la route de l'hôpital d'où les accueillait une autre immense foule, sortie d'on ne sait où, avec une banderole clamant «un seul héros, le peuple».
Puis, après s'être éloignée de l'hôpital, la marée humaine s'est remise à entonner de plus belle des slogans hostiles à Bouteflika et au pouvoir, empruntant aux années de feu (2001-2002) des cris de ralliement tels «pouvoir assassin» ou encore «si vous voulez la guerre, nous n'avons pas peur» et le fameux «Chaâb yourid isqat nidham».?
Fait également notable, des pancartes en anglais et même en italien ont fait leur apparition et même de nouveaux slogans sont improvisés comme devant un des commissariats du centre-ville, les manifestants invitaient les policiers «Dirou hedda, edoukhlou felmassira (faites-leur un coup, rejoignez la marche).
A ce moment précis, la manifestation s'était ébranlée depuis deux bonnes heures, et les milliers de jeunes et de moins jeunes des deux sexes se montraient toujours aussi peu disposés à mettre fin à cette marche populaire qui restera dans les mémoires.
Azedine Maktour


Votre commentaire s'affichera sur cette page après validation par l'administrateur.
Ceci n'est en aucun cas un formulaire à l'adresse du sujet évoqué,
mais juste un espace d'opinion et d'échange d'idées dans le respect.
Nom & prénom
email : *
Ville *
Pays : *
Profession :
Message : *
(Les champs * sont obligatores)