Algérie

Une maquette en continuelle évolution



Le logo d'El Watan dessiné, articles et titres découpés aux ciseaux puis scotchés sur de grandes pages (le journal était à  sa naissance en grand format dit «berlinois»), espace des photos réservés (elles étaient directement traitées à  la photogravure au niveau de l'imprimerie) : douze pages réalisées à  grand peine, à  la limite de l'artisanat. Inutile de dire que l'aspect esthétique passe en second lieu lorsque du matin au soir, avec une équipe réduite composée de membres fondateurs et de quelques collaborateurs en 1990, tout un chacun était attelé à  mille tâches quotidiennes. On était tour à  tour journalistes, préposés à  l'accueil des visiteurs documentalistes, manutentionnaires, chauffeurs et en fin de journée, affairés à  porter des articles tapés «au kilomètres» vers la table de montage. La maquette, sommairement grifonnée au niveau des rubriques était évidemment, en ces temps de lancement, loin de répondre au normes graphiques d'un journal de haut niveau quoique, l'expérience accumulée à  El Moudjahid aidant, elle était simplement dessinée et donc pas ridicule du tout. Elle était toutefois compensée par une titraille et des articles à  la percutance méconnue jusque-là. Quelques mois ont tourné de la sorte assez péniblement il faut le dire jusqu'au jour où s'est imposée la nécessité de passer au format tabloïd dont c'était d'ailleurs la tendance mondiale (19 mars 1991). Ce format avait pour nous le double avantage de rendre l'ébauche de la maquette moins contraignante, de se permettre des fantaisies (caricatures, détourés, etc) et de doubler du même coup la surface publicitaire. Après l'acquisition d'un nombre plus important d'ordinateurs et l'arrêt du collage des articles par l'envoi directement à  la photogravure des pages pleines composées par des monteurs sur écran, le temps économisé par les opérations de collage a permis une plus grande attention accordée à  l'esthétisme. Mieux, le passage au tabloïd a été jumelé à  une nouvelle maquette (formule) graphiquement disciplinée et qui se démarque des autres publications par son originalité.  L'éditorial «sauve sa peau» en page une et les pages actualités occupent les devants de la scène comme c'est le cas de façon classique dans tous les journaux de l'époque. Le logo évidemment a rétréci comme toute la publication. Il s'est un peu ramassé et resté toujours centré mais a hérité dans cette nouvelle formule d'un streamer (un titre – accroché au-dessus du logo). La grande marque de fabrique tenait dans la titraille : l'indication du sujet et le titre étaient pratiquement mêlés mais restaient séparés par un slash (barre de fraction) se distinguant par un caractère alterné en maigre (surtitre) et en gras (titre principal). Tout cela dans une sobriété voulue par ses promoteurs. C'est à  ce niveau-là que la recherche de la clarté et de la lisibilité butera finalement sur une attitude quasi inattendue. La prépondérance du texte, donc la longueur des articles, actionnés par une actualité riche en ces temps douloureux où les actes terroristes étaient intenses et les bouleversements politiques et institutionnels fréquents ont fini par reléguer et étouffer l'iconographie si nécessaire à  la clarté. Au fil des années, en parcourant le journal, l'on se rend vite compte de l'absence de l'illustration et de la rareté des photos. 1997-1998, c'est au sortir du terrorisme ravageur et l'installation d'une relative sécurité urbaine que la nécessité de changer les choses au plan graphique devenait impérieuse. Le temps dictait d'aérer le texte et de réserver des espaces iconographiques à  même de faciliter la lecture. Le 25 avril 1998 naissait la troisième formule d'El Watan, fruit d'une réflexion collective des membres fondateurs. L'originalité cette fois-ci tenait à  un choix de caractère favorisant la lisibilité. Une fantaisie : le surtitre ne sera pas souligné par le bas, mais plutôt par le haut. La formule ébauchée par des profanes dans le domaine graphique avait ses limites certes, mais elle aura eu le mérite de donner aux lecteurs une impression de changements positifs en allégeant la lecture et en introduisant un parcours visuel facile et rapide. Il n'empêche qu'elle a su un temps sauvegarder la personnalité du journal par sa sobriété et son aspect sérieux et maintenir l'intérêt du lectorat. En 2001, un fait heureux bouscule le journal en le poussant à  davantage d'amélioration. En partenariat, El Watan et El Khabar réceptionnent leur première rotative (site d'El Achour) faisant ainsi un grand pas vers l'indépendance vis-à-vis des moyens d'impression des pouvoirs publics. Aisance dans le tirage et introduction des pages couleurs ont forcé à  la réflexion les responsables du journal. Deux impératifs sont apparus : capter un lectorat plus jeune, plus féminin, franges qui étaient le talon d'Achille d'El Watan et «rafraîchir» la maquette pour la mettre au diapason de la tendance mondiale en matière de facilité de lecture (accroches nombreuses, articles plus courts), d'infographie, d'introduction des pages thématiques et de multiplication des suppléments. Une perpétuelleremise en cause Albert Riou, dit Gaston, un infographiste parisien, ancien secrétaire de rédaction du journal Libération et du Monde a été sollicité par El Watan pour retravailler la maquette, au besoin élaborer une nouvelle formule. «Je ne peux comme ça vous donner une formule à  la commande. Je dois au préalable vivre quelque temps au sein de la rédaction pour mieux sentir le projet», dira Gaston lors de nos premières discussions à  Paris. Il se rendra plus tard plusieurs fois à  Alger pour tâter le climat et s'imprégner des idées des uns et des autres à  la rédaction, du rédacteur en chef aux journalistes en passant par les services techniques. Longuement malaxée, retouchée, réaménagée, la nouvelle formule est consacrée par une charte graphique. Elle habille le corps du journal. El Watan le 2 mai 2002 et répond immédiatement aux attentes des journalistes et des  lecteurs. Variation du rythme de lecture avec des papiers plus courts, un système de titraille et d'accroche plus lourd, des signaux affectifs et rappels pratiques, (biographies, rappels historiques, chiffres commentés, indications géographiques, monographies, etc), la formule a un aspect attrayant et la lecture facilitée. La Une a été intelligemment remaniée, pour permettre l'introduction de l'illustration au détriment d'un texte auparavant trop densifié. Le logo a pris du poids et le commentaire, l'indétrônable éditorial, a été relégué en dernière page. Bref, une transformation globale, radicale et heureuse pour le journal qui gagnera en quelques mois plusieurs milliers de lecteurs supplémentaires jeunes et féminins pour la plupart. Depuis huit ans déjà la formule de Gaston n'est pas restée figée. Elle s'est améliorée au fil du temps grâce à  des touches fréquentes de son promoteur lorsque la nécessité s'en faisait ressentir. Mais, en 2010, dans une perpétuelle remise en cause, il semble qu'elle aurait «pris de l'âge», signe précurseur de l'entame d'une réflexion en vue d'une prochaine et  nouvelle maquette... Pourquoi pas, si le souhait de nos honorables lecteurs est de leur livrer une publication plus lisible et plus rayonnante.
Qui sait, l'année prochaine El Watan se drapera peut-être d'un nouvel habillage...
 


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