Algérie

Une manne publicitaire détournée Un monopole géré dans l'opacité



Des pontes du système lancent des publications qui vont aller s'abreuver à la mamelle nourricière de l'ANEP.Plus de 130 titres de presse quotidienne et autant d'hebdomadaires et de magazines peuplent actuellement le paysage des médias algériens. Un constat que les responsables politiques algériens agitent fièrement et qu'ils tentent d'assimiler à une volonté des pouvoirs publics de promouvoir la liberté de la presse, via une pléthore de titres au détriment, malheureusement, bien souvent de leur qualité.
Aussi, l'engouement affiché pour la création, toujours, de nouveaux titres semble s'expliquer, au-delà de la «noblesse» du métier de journaliste, par l'appât de la manne publicitaire qui ne cesse d'enfler d'année en année. Selon les dernières estimations celle-ci devrait atteindre 1 milliard de dollars d'ici quelques années.
Le cabinet conseil tunisien Sigma avait estimé, qu'en 2009, le marché publicitaire algérien valait près de 13 milliards de dinars ; soit un peu plus de 166 millions de dollars, dont 56 millions partent au bénéfice de la presse écrite. Une estimation qui ne peut en aucun cas refléter la taille réelle du marché publicitaire algérien dans la mesure où elle ne prend pas en compte la manne publicitaire publique, et qui se base sur ce que déclarent certains annonceurs privés. Car, et il faut le savoir, les diverses annonces de l'administration publique et les avis d'appels d'offres publiés par la presse nationale constituent une importante source de revenus pour les journaux contrôlés par une seule agence de communication publique, bien entendu.
L'INSTRUCTION D'OUYAHIA
Ainsi, l'Agence nationale d'édition et de publicité (ANEP), créée en 1967 et issue de Havas Algérie, se présente actuellement comme leader de la publicité en Algérie. Et pour cause, depuis le 1er septembre 2004, et par le truchement d'une instruction express de l'ex-chef de gouvernement Ahmed Ouyahia, «les administrations publiques, les entreprises publiques économiques, les établissements publics à caractère industriel et commercial, les établissements publics à caractère administratif, les banques publiques et tout autre organisme public à acheminer, traiter et contracter leurs publicités et annonces exclusivement par le canal de l'ANEP». Celle-ci accapare entre 45 et 56%, selon les estimations officielles d'une manne publicitaire dont nul, parmi le commun des mortels, ne connaît pour l'heure la taille exacte. Une instruction qui visait très officiellement à rééquilibrer les finances de cette entreprise publique de communication, mais qui, en réalité, n'avait pour seul objectif que de mater les écrits journalistiques en distribuant gracieusement la manne aux titres à la ligne éditoriale lisse, ou en créant les goulots d'étranglement à ceux qui auraient dans l'idée d'aller à contre-courant de ce que souhaite le système.
Une instruction qui aura aussi l'effet pervers d'attirer bien souvent de pseudo-éditeurs de presse cooptés par les tenants du système et alléchés par les profits qui se profilent dans ce nouveau business. Si l'on procède à un petit calcul, une grande majorité de journaux des 130 titres bénéficie d'au moins une page issue de la publicité ANEP, à un tarif variant généralement entre 150 000 et 300 000 DA sur environ 312 éditions par an, on peut estimer que cette manne se situe à un minimum de 8,5 milliards de dinars. Aussi, le site électronique Algérie Patriotique, lui-même financé par des pontes du système, vient de jeter un pavé dans la mare en évoquant les prémices d'une «Affaire ANEP», complétant le triptyque des affaires «Sonatrach» et «Sonelgaz», assises sur les malversations dans le marché de la publicité. Celui-ci cite ainsi l'exemple d'une entreprise de presse éditant 3 quotidiens, dont le fondateur serait l'ex-porte-parole du RND, Miloud Chorfi, ou un de ses proches, et qui aurait capté entre janvier 2011 et septembre 2012 pas moins de 113 milliards de centimes de manne publicitaire publique. Des revenus considérés comme inespérés pour des quotidiens qui ne tirent qu'entre 2200 et 4400 exemplaires par jour. Un cas particulier qui n'est que le reflet de ce qui se passe dans la plupart des titres de presse.
Il n'est pas étonnant donc de voir d'anciens sénateurs, députés, des caciques de l'ex-parti unique et d'autres partis qui auront eu à flirter avec le pouvoir, ainsi que des businessmen de tout acabit ont eu à créer leur publication ou du moins coopter un prête-nom pour en créer une. Avec systématiquement le même résultat : le pullulement de quotidiens invisibles sur le marché, à la lisibilité approximative, qui ne garantissent ni plan de carrière ni plan de formation aux jeunes journalistes et qui ne font qu'enfoncer la corporation des journalistes dans la précarité. Le fait est que les critères d'attribution de la publicité sur la base de critères de médiamétrie précis comme le tirage, le taux de lecture, ni même la présence sur les étals des kiosques à journaux sur tout le territoire national sont inexistants. Seuls demeurent les logiques de cooptation et de quotas.


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