Algérie

Une histoire vraie de l'Algérie La chronique de Maurice Tarik Maschino



Une histoire vraie de l'Algérie                                    La chronique de Maurice Tarik Maschino
C'est un instrument de travail remarquable que les éditions de La Découverte et Barzac proposent à tous ceux qui s'intéressent à l'Algérie.
Publiée sous la direction d'Abderrahmane Bouchène, Jean-Pierre Peyriulou, Ouanassa Siari Tengour et Sylvie Thénault, L'Histoire de l'Algérie à la période coloniale est un ouvrage d'une très grande richesse : il devrait être le livre de chevet de chaque citoyen et l'instrument de travail de tout professeur d'histoire.
Que le lecteur ne s'effraie pas de son épaisseur : 717 pages, plus d'une centaine d'articles rédigés par 79 auteurs. Il suffit de l'ouvrir pour dissiper toute inquiétude : l'ouvrage se divise en quatre grandes séquences, par exemple, 1830-1880 : la prise de possession du pays et chacune d'elles se divise en cinq rubriques. Les deux premières analysent les logiques en présence de part et d'autre, les trois autres, «Lieux et espaces», «Acteurs», «Contexte» analysent en profondeur le problème étudié et ancrent l'histoire de l'Algérie dans une histoire élargie.
C'est donc «une vaste fresque synthétique» que cet ouvrage propose ou, pour reprendre une expression de Michel Foucault, ce livre est une véritable «boîte à outils» qui permet d'ouvrir et de comprendre toute une série de questions, qu'il s'agisse des hésitations du pouvoir français qui, au début, ne savait pas quoi faire de l'Algérie, de l'invention de l'«indigène», Français non citoyen, ou des acteurs de l'histoire coloniale : l'Emir Abdelkader, El Mokrani, Fadhma n'Soumeur, qui combattirent l'occupant, armes à la main.
Ce qui frappe, dans cet ouvrage, outre la diversité des questions abordées et la densité des analyses, c'est l'objectivité de l'approche, la sérénité du ton, la volonté manifeste de ne pas laisser dans l'ombre des questions que les historiens de cour préfèrent ne pas aborder ou se contentent d'effleurer, par exemple, la rivalité sanglante du MNA et du FLN, les exécutions sommaires de dirigeants, telles que l'assassinat d'Abbane Ramdane, la mise à l'écart, à l'intérieur du FLN, des politiques par les militaires. Les auteurs de cette Histoire de l'Algérie' ne confondent pas histoire et propagande, histoire et roman national. Ils n'ont aucun parti pris, sinon celui de la vérité.
De cette somme qu'ils nous proposent et qu'il est hors de question de résumer, quelques évidences se détachent avec force.
Tout d'abord, la sauvagerie de la conquête. A l'époque, les généraux se vantaient de leurs «exploits» : razzias, vols des bêtes et des récoltes, carnage lors de la prise de Laghouat en 1852, enfûmades du Dahra en 1845, où moururent 700 personnes, mise à sac de Blida en 1830, où une «tuerie aveugle» dura plus de 6 heures. «Il faut tuer tous les hommes jusqu'à l'âge de 15 ans, prendre toutes les femmes et les enfants, les envoyer aux îles Marquises, en un mot, anéantir tout ce qui ne rampera pas à nos pieds comme des chiens», ordonna le lieutenant-colonel de Montagnac.
Malgré la barbarie des envahisseurs, les Algériens ne cessèrent de résister durant toute l'occupation. Révoltes sporadiques, dans les années soixante ' massacres de l'armée française, famines, épidémies ont décimé la population ' mais révoltes continues. L'Algérie s'est toujours montrée rebelle, elle n'a jamais été française, sinon dans l'imagination délirante et aveugle des occupants.
Cette Algérie-là eut un grand chef, auquel l'historien François Pouillon consacre un beau chapitre. Tacticien remarquable, l'Emir Abdelkader mit sur pied une véritable armée, jeta les bases d'un Etat moderne dans l'ouest de l'Algérie et, vaincu par le nombre de ses adversaires, fit preuve d'une grande humanité : il prit «sous sa protection, à Damas, des chrétiens arabes menacés de terribles pogroms en 1860». Curieux des innovations technologiques, membre un temps de la franc-maçonnerie et soucieux du développement spirituel de ses concitoyens, il donna, durant ces années où la violence l'emportait sur toute autre considération, un bel exemple d'humanisme.
On ne peut en dire autant de ceux qui déclenchèrent et conduisirent la guerre d'indépendance, puis exercèrent le pouvoir. L'ouvrage évoque dans ses derniers chapitres l'Algérie d'après l'indépendance ' un pays auquel «le FLN a imposé une conception appauvrie de la personnalité algérienne, réduite à la langue et à la religion' une arabisation qui rime trop souvent avec islamisation obscurantiste, une politique de l'éducation au rabais et l'un des codes de la famille les plus rétrogrades du Monde arabe». C'est beaucoup, et c'est tragique, puisque la caste dominante, dont «la pensée politique est sclérosée», n'a qu'un souci : «Préserver les rentes et les privilèges acquis grâce à la confiscation des richesses naturelles.»
On attend avec impatience que les auteurs de L'Histoire de l'Algérie à la période coloniale consacrent à l'Algérie indépendante un ouvrage aussi rigoureux, aussi riche que le premier.


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