Algérie

une histoire impossible après 1962 Festival Off d'Avignon



une histoire impossible après 1962                                    Festival Off d'Avignon
La valse algérienne, d'Elie-Georges Berreby, raconte une histoire d'amour entre un Français et une Algérienne à Alger en 1963.
Cette pièce de théâtre, portée par une écriture sensible, marque cependant quelques décalages avec la réalité de l'après-indépendance.
Avignon
de notre envoyé spécial
Il y a des anachronismes gênants dans la pièce La valse algérienne créée en 2010 et reprise cette année en juillet au Festival Off d'Avignon. Le décalage entre la réalité et l'écriture théâtrale se place justement dans la période où l'auteur, Elie-Georges Berreby, ancien pied-noir, est censé situer l'action, à Alger, en 1963. Un journaliste, Joël, qui a été expulsé par les autorités françaises pendant la guerre, en raison de son amitié pour Mouloud, compromis dans la lutte pour l'indépendance, rentre au pays dans l'Algérie indépendante. Après avoir exercé un temps en Amérique latine, il reprend son travail de rédacteur pour un journal francophone Français toléré, dit le texte. Confisqué plus tôt, puisque c'est une révolutionnaire algérienne qui en est rédactrice en chef, c'est là que la romance prend le-dessus. Même s'il se rend compte qu'il n'est plus chez lui dans son pays natal, qui a recouvré sa souveraineté, le transfuge reste, surtout par amour pour la belle Dinah, héroïne nationale et sa patronne dans le journal où il travaille.
Alger était plutôt ébuilition festive
Si tout cela n'était qu'une fiction, pas de souci, on peut même frissonner devant le jeu impeccable des comédiens. Joël est émouvant face à Dinah, prise entre son nationalisme exacerbé (comment ne pas l'être en 1962 malgré les écueils politiques) et son amour pour cet étranger, pas musulman, alors qu'elle est issue d'une famille confrérique. Il faut se méfier, car, selon le texte de la pièce, les intégristes veillent. Au lendemain de l'indépendance, un tel terme était-il employé.
Dans l'exubérance et l'enthousiasme, malgré la chape de plomb qui s'annonçait, Alger était plutôt en ébullition festive. L'intelligentsia algéroise vivait une fête quotidienne de la liberté des sens, une relation entre Dinah et Joël n'avait rien d'impossible dans un milieu évolué comme celui de la journaliste qui, dans l'intimité avec son amant, lui lit un poème d'amour mystique d'Ibn Arabi. A la fin, lorsque la jeune amante est enfermée par les siens pour qu'elle ne quitte pas le pays avec son amoureux français, on n'y croit pas que ce couple soit resté en Algérie malgré la conjonction des impossibilités, puis, en dépit de l'attachement à l'Algérie, elle se serait continuée à l'étranger. Beaucoup d'histoires vraies en témoignent. Si la pièce s'était appelée La valse amoureuse, en revendiquant l'imagination débridée de son auteur, cela serait passé, mais la pièce s'intitule La valse algérienne. Elle est prise pour argent comptant par les spectateurs qui y trouvent une image faussée de l'Algérie post-indépendance en tout cas largement anticipée. Sans contrepoint, sauf le 20 juillet, lorsque la Ligue des droits de l'homme a organisé un débat avec Gilles Manceron qui a rétabli certaines réalités.
La longue dérive du système depuis 1962
Il y a quand même un point positif. En une heure que dure la pièce, l'auteur nous donne à voir le point de départ de la longue dérive du système d'après 1962 qui effectivement entraînera les fermetures sociale, politique, humaine, admirablement montrées sur scène. Sauf que la vérité historique y perd sa boussole si on place tout en 1963. Il reste aussi un élément très fort que souligne l'auteur, ancien
pied-noir éloigné de sa terre natale depuis l'indépendance. Il pleure la déliquescence rapide des rêves d'indépendance et de diversité possible avec les Français demeurés au pays. En cette année 2012, cinquante ans après, on ne peut que s'émouvoir du sort fait à ceux et celles qui n'étaient pas Algériens et qui ont voulu vivre, travailler, aimer en leur patrie algérienne d'autant plus ceux qui s'étaient battus pour elle, ont dû s'enfuir pour ne pas perdre leur âme progressiste, pour certains, leur vie pour d'autres. Pour ce regard là, La valse algérienne est une cure de lucidité primordiale.


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