Algérie

Une histoire franco-française au fil des jours


Une histoire franco-française                                    au fil des jours
Le président français a touché la droite dans la partie de son Talon d'Achille la plus sensible et réactive idéologiquement. En rendant hommage à la mémoire des Algériens massacrés le 17 octobre 1961 par la police sous les ordres de Maurice Papon, François Hollande ne pouvait pas ignorer la violence de la réaction des ténors d'une droite qui, jusqu'en mai dernier, tiraient encore à fond sur la corde du racisme pour se maintenir au pouvoir. À ceux qui prétendent, avec une légèreté déconcertante, que la reconnaissance d'une «tragédie française» au c'ur de Paris ne servirait que des intérêts factuels à quelques semaines d'une visite d'Etat en Algérie, il faudrait rappeler l'existence d'un enjeu mémoriel purement français. Avant de parler de repentance, d'excuses ou de culpabilité, c'est d'abord la ligne que vient de faire bouger Hollande qu'il convient de voir. Les réactions survoltées et à la limite de la correction, du Front national et d'une partie de l'UMP en disent long sur le désarroi qui s'est emparé d'acteurs politiques pour qui la guerre d'Algérie doit rester un fonds de commerce inaliénable. On ne s'étonnera pas d'une Marine Le Pen qui assume, en plus de sa filiation biologique, l'héritage paternel d'une doxa construite sur les débris mémoriels. Chaque fois qu'elle sent son aura décliner, elle s'empresse de revenir à ses fondamentaux. Et d'abord et avant tout à sa matrice anti-algérienne. Moins compréhensible est par contre la réaction des «chefs» qui se déchirent en ce moment pour la tête du parti qui se réclame du gaullisme. L'un d'eux n'a-t-il pas eu l'outrecuidance de convoquer le généralissime qui eût, quoi qu'on dise, le courage de faire la paix en Algérie et de reconnaître son indépendance 'Par rapport à un enjeu politique interne d'une grande importance, la reconnaissance par François Hollande d'une «répression sanglante» d'Algériens qui manifestaient pour l'indépendance et l'hommage à leur mémoire pourrait marquer un point de départ pour une ligne de rupture qui réconcilierait d'abord la France avec elle-même et son histoire. Une fois cette page de l'histoire assumée et tournée dans l'honneur, que restera-t-il à ceux qui, dans le Var ou dans le Midi, mais aussi à Paris et ailleurs, ne doivent leur élection et leur carrière politique qu'à une sordide instrumentalisation des nostalgies entretenues comme des flammes ravivées ' À en juger par la violence de leurs réactions, leur crainte n'est qu'une lumière qui éclaire toute les pages de l'histoire française les contraignant à l'abandon d'un registre lucratif.
En référer au général comme l'a fait le chef du groupe parlementaire UMP à l'Assemblée nationale relève, en plus, d'un travestissement délibéré de la conception qu'avait de Gaulle de la relation franco-algérienne à la fin de la guerre. On sait pour quelle raison l'homme ne croyait pas à l'assimilation des Algériens. Pour lui, le peuple «catholique» de France ne pouvait pas s'accommoder d'apports ethniques exogènes. Il avait fait une guerre à outrance au FLN tout en sachant que l'Algérie ne resterait pas française. Mais en politique accompli et réaliste, il entrevoyait pour les deux pays une relation d'exemplarité qui devait inspirer par la suite toute la coopération française avec ses anciennes colonies ainsi que le monde arabe. De ce point de vue, l'actuel locataire de l'Elysée est certainement plus proche de l'homme du 18 juin que ne le sont des apprentis politiques qui veulent lui porter la contradiction sur un terrain qui commence à leur échapper. À leur décharge, ce terrain était miné par Sarkozy, mais au lieu de s'en désengluer, ils prennent plaisir à remuer la même gadoue.La «reconnaissance hollandaise» en appelle-t-elle d'autres ' L'assainissement des mémoires et de l'histoire est toujours une 'uvre de longue haleine. Les Algériens le savent, eux aussi, pour n'en avoir pas encore fini avec cette période de leur histoire qui commence à peine à échapper aux récupérations qui l'ont camisolée et assujettie. Comme en France, une histoire algéro-algérienne est en train de se faire. Mais dans tous les cas, son registre de commerce est détestable et équivaut en malhonnêteté intellectuelle le pire des révisionnismes.
A. S.
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