L'Algérie, qui a enregistré au moins 43 féminicides depuis le début de l'année jusqu'à novembre 2020, ne dispose que de cinq centres d'accueil pour les femmes victimes de violences.En 2015, l'Algérie se dotait d'une loi criminalisant les violences faites aux femmes, après plusieurs mois de blocage au Parlement par les partis conservateurs. Sur le plan juridique, le pays se mettait au diapason des conventions internationales, et, théoriquement, la condition de la femme algérienne, victime, faut-il le préciser, de violences à tous les niveaux, devait connaître une amélioration.
Pourtant, cinq ans après, observe Saâdia Gacem, doctorante en anthropologie et membre du Réseau Wassila, "il n'y a pas eu de grand changement". La raison : les modalités d'application de cette loi n'ont pas suivi.
"Ce qui est d'abord positif dans cette loi, c'est qu'elle nomme les violences et les condamne clairement. Elle prend aussi en compte les violences psychologiques. Ensuite, ce qu'il y a de compliqué, c'est la clause de pardon", explique notre interlocutrice. Pour elle, la femme, déjà fragilisée par les violences, sa situation économique, les pressions sociales et familiales, finit souvent par "pardonner à son bourreau" et revenir vivre avec lui. Or, soutient Saâdia Gacem, "lorsqu'on donne la possibilité à une femme de porter plainte, il faut, à ce moment-là, mettre en place tout un mécanisme de protection d'urgence, d'accompagnement socio-psychologique et de prise en charge globale".
L'Algérie, qui a ainsi enregistré au moins 43 féminicides jusqu'à novembre 2020, ne dispose que de cinq centres d'accueil pour les femmes victimes de violences, majoritairement concentrés à Alger et qui ne sont pas adaptés, regrette la doctorante en anthropologie et membre du Réseau Wassila.
Plus tragique encore, dans ces centres qui n'accueillent pas tous les femmes avec leurs enfants, lorsque les victimes sont admises, elles sont interdites de sortie et leurs téléphones portables sont confisqués. "Comment voulez-vous que ces femmes trouvent des solutions pour se prendre en charge, dans ces conditions ' On ne peut pas trouver du travail en étant enfermée...", peste notre interlocutrice.
Elle se demande aussi pourquoi le ministère de la solidarité nationale, pourtant doté d'un budget réservé à ce type de prise en charge, ne met toujours pas en place un numéro vert à la disposition des femmes en détresse et, subséquemment, des centres d'accueil d'urgence vu qu'une femme violentée à Tiaret ou à Batna, à titre d'exemple, ne sait pas où se rendre pour la déplorable raison que les centres existant à Alger, surtout, n'affichent pas de contacts.
"La possibilité d'appeler un numéro vert, la police qui vient chercher la victime pour la placer dans un centre d'accueil d'urgence pour ensuite la faire bénéficier d'une assistance psychologique, d'une juriste et d'une assistante sociale, ce sont là les bases qui existent dans tous les pays et que nous pouvons adapter à nos sociétés", suggère, enfin, Saâdia Gacem, ajoutant que "la loi, même lorsqu'elle est parfaite, ne suffit pas à elle seule".
Mehdi MEHENNI
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Posté Le : 25/11/2020
Posté par : presse-algerie
Ecrit par : Mehdi MEHENNI
Source : www.liberte-algerie.com