Algérie

Une fusion improbable pour une performance haute en couleurs au TRO



Le mélange a été finalement détonant, mais c'était loin d'être gagné d'avance et il n'y avait aucun artiste comme Mehdi Haddab pour tenter une expérience pareille, tellement elle paraissait improbable.Faire sortir le malouf, et donc par extension la musique traditionnelle dite andalouse, de sa pratique à l'ancienne n'est pas chose aisée et ceux qui s'y sont aventurés précédemment se sont tous cassé les dents. Le spectacle proposé jeudi soir au TRO, la fin d'une tournée, fruit d'un projet initié par l'Institut français, a été particulièrement captivant et la majorité des spectateurs qui ont assisté à la performance n'ont pas cru leurs oreilles. Mais il faut dire aussi qu'un artiste comme Hamdi Bennani a été pour beaucoup dans l'engouement du public qui s'est très vite débarrassé des préjugés pour entrer dans cette ambiance paradoxale pour le genre. Le répertoire dans lequel excelle l'artiste, fidèle à sa tenue de scène et son violon blancs, comprend des chansons de sa propre composition, dont certaines remontent aux années 1960, mais ni lui ni celles-ci ne semblent avoir pris une ride.
Revisité par Mehdi Haddab, avec un orchestre alliant moderne et traditionnel, mais avec de grosses doses de décibels qui sortent de son instrument hybride, un oûd électrique branché sur une pédale multi-effets d'où sortent des sons saturés en distorsion et accompagné par une guitare électrique, une basse, un autre oûd de la même catégorie (Smadj, son complice pour Duoud) et une panoplie d'équipements électroniques et de logiciels pour booster le rythme et contrôler le trafic des phrasés mélodiques qui se bousculent sur la table de mixage. Hormis le violon, la flûte traditionnelle et le tar, un clavier tente de restituer certaines sonorités utilisées dans les orchestres traditionnels, comme le qanoun.
Pour le reste, c'est le propre fils du célèbre chanteur de Annaba qui assure une partie des vocales et une certaine performance sur une guitare acoustique. Tout ceci pour donner une idée de l'atmosphère musicale qui s'est dégagée de cette prestation originale donnée par un joueur de oûd amateur de sonorités rock et un artiste qui a déjà acquis le statut de cheikh de la tradition dite andalouse et qui s'est forgé une belle réputation bien méritée tout en ne se privant pas de sortir de temps à autre des balises imposées par le genre.
On imagine néanmoins le travail qu'il a fallu entreprendre pour réussir à «harmoniser» toutes ses tendances. «Saluons l'ouverture d'esprit de cheikh Hamdi Bennani qui a accepté, non sans une certaine réticence au départ, de triturer des morceaux d'un répertoire qui semble immuable», s'est exclamé Mehdi Haddab, entre deux performances à couper le souffle. Sa complicité avec le chantre du malouf se remarque dans les clins d'?il qu'ils ne cessent de s'envoyer sur scène en guise de reconnaissance mutuelle. La voix du «cheikh» est restée presque intacte, un exploit, eu égard à son âge et à l'intensité sonore qui se dégage de l'orchestre et qui ne semble pas l'impressionner. Certaines chansons sont devenues des classiques que le public réclame à l'occasion, d'autres le sont moins, mais la satisfaction est exprimée de la même manière. Hamdi Bennani s'habille en blanc, car pour lui c'est le symbole de la paix. Justement, à la fin du spectacle, présenté comme un cadeau, il a interprété des extraits d'une de ses toutes dernières chansons, une ode empreinte de nostalgie, parlant de deux amis séparés suite à la Guerre d'Algérie mais pour mettre en avant, dit-il, l'idée du «vivre-ensemble dans la paix».


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