Les entreprises subissent la décision d'instaurer un différé de paiement et l'obligation faite aux producteurs d'atteindre un taux d'intégration de 60%.La filière de l'électroménager vit en ce moment la période la plus difficile de son existence. Après avoir connu un certain essor grâce à ses principaux acteurs, la voilà aujourd'hui entrée en pleine léthargie. Les entreprises activant dans cette industrie font face actuellement à de grosses difficultés financières, combinées à des perspectives pour le moins incertaines. Elles subissent les méfaits des mesures de restrictions d'importation imposées par les pouvoirs publics. Il s'agit essentiellement de la note du 30 septembre 2019 de l'Association professionnelle des banques et des établissements financiers (Abef) ayant trait à l'instauration d'un différé de paiement. Il s'agit de la réglementation obligeant les opérateurs à effectuer les achats de leurs composants par crédit fournisseur étalé sur 9 mois. Cependant, un tel délai ne peut être accepté par les fournisseurs.
En Chine, pays d'origine de la majorité de ces composants, les fournisseurs refusent, en tous cas, d'appliquer cette durée de prêt, de l'avis de certains opérateurs. Des producteurs algériens ont réussi à trouver un deal avec eux en acceptant les marges qu'ils ont instaurées sous prétexte que la valeur d'un dollar ne sera pas la même dans 9 mois. Par conséquent, ce prix d'achat majoré sera répercuté sur le prix à l'export. Ce qui ne permet pas aux producteurs algériens d'être compétitifs à l'international. "Nous sommes en train de perdre des parts sur le marché européen, notamment en Espagne, en Italie et au Portugal, où nous avons placé nos téléviseurs 100% algériens depuis 5 ans, après avoir consenti de gros investissements", déclare, dépitée, Chanez Chennit, responsable export au sein de l'entreprise Bomare Company.
Des mesures qui favorisent l'importation
"Nous demandons la levée de cette condition, ne serait-ce qu'à l'export où la concurrence demeure féroce à l'international avec les autres leaders mondiaux, tels que Samsung et LG qui, eux, sont avantagés par la réglementation de leurs pays...", indique Mme Chennit. Cette mesure a freiné depuis plusieurs mois l'activité des producteurs, à l'image de l'Eniem, de Condor, d'IRIS, de Sacomi-Thomson, de Bya Electronics, de Brandt, de Starlight, de Géant, de Bomare Company. Ces derniers s'interrogent sur l'opportunité d'une telle exigence qui frappe de surcroît exclusivement le créneau et non pas les autres. Ils jugent excessive également l'autre condition qui leur impose un taux d'intégration de 60%. Ces deux règles ont non seulement bloqué les producteurs, mais ont encouragé aussi davantage les importateurs. La faiblesse de l'offre sur le marché national, dû à l'épuisement des stocks des producteurs, a permis à d'autres opérateurs de recourir à l'étranger pour importer des produits finis.
En mettant en place de tels préalables à la fabrication des appareils électroménagers, l'Algérie subit des pertes sèches en devises. Car, il est clair qu'importer la matière première coûte moins cher que le produit fini. La filière de l'électroménager a quasiment cessé les exportations. Pourtant, elle pourrait atteindre une valeur à l'export dépassant les 100 millions de dollars par année. Une chose est sûre, la paralysie a touché ces entreprises qui présagent un avenir sombre pour tout le secteur. Ces sociétés étaient forcées d'appliquer des plans sociaux. Résultat des courses : ce sont les 30 000 postes d'emploi crées au sein de cette filière qui sont désormais menacés de disparition.
Des milliers d'employés mis au chômage technique
Pis encore, certaines entreprises ont d'ores et déjà procédé au licenciement de plusieurs milliers de leurs travailleurs. C'est le cas d'une société ayant pignon sur rue qui, malgré elle, a fini par mettre à la porte quelque 3 000 ouvriers sur un effectif total de plus de 7 000 personnes à cause de ces deux dispositions. Une autre importante entreprise a mis au chômage technique la moitié de ces effectifs, soit 400 employés. En revanche, si l'on opte pour l'importation de produits finis, l'on contribue forcément et de manière directe à la création de l'emploi chez les partenaires étrangers. "L'objectif du gouvernement, c'est de rationnaliser au maximum les dépenses en devises. Il faut de ce fait privilégier l'approche balance devises suivant chaque produit. Or, l'Exécutif continue de pénaliser l'opérateur national qui assure un taux d'intégration de 50%, certes, mais qui crée de l'emploi et paye ses impôts, au profit de... l'importateur", déplore Ali-Bey Nasri, président de l'Association nationale des exportateurs algériens (Anexal).
Cette paradoxale décision gouvernementale, faut-il le reconnaître, encourage l'importation des produits finis aux dépends de la production locale et renforce encore plus l'informel qui gangrène l'économie nationale et inhibe sa compétitivité. M. Nasri juge indispensable que le gouvernement revoie ces deux contraignantes conditions en limitant la durée de ce crédit et en réduisant le taux d'intégration exigé. Cela peut être concrétisé, suggère-t-il, à l'issue d'une réunion de concertation qui regroupera les représentants de l'Exécutif et les opérateurs économiques ciblés par cette réglementation. "Nous demandons seulement de libérer l'acte d'exporter, libérer les producteurs, afin qu'ils puissent acquérir de nouvelles parts de marché et s'imposer sur la scène internationale", souligne la représentante de Bomare Company. Elle propose, dans ce sens, la création d'une "zone franche économique pour faciliter l'importation des intrants dédiés à l'exportation en réhabilitant les textes de loi régissant la création des zones franches économiques et l'application de ces textes à travers un décret exécutif".
B. K.
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Posté Le : 13/08/2020
Posté par : presse-algerie
Ecrit par : Badreddine KHRIS
Source : www.liberte-algerie.com