Algérie

Une femme et un homme dans la foule


Assia vit à Montréal depuis 18 ans. Quand elle était en Algérie, elle couvait les colères de sa génération mais elle nous dit, avec beaucoup de sincérité et un peu de regret tu mais perceptible dans le regard, qu'elle n'était pas spécialement une grande révoltée. Elle est née à Mostaganem et y a grandi, avant de s'établir à Alger après avoir transité par Oran où elle avait fait ses études de sociologie. Ne comptez surtout pas sur elle pour vous dire la détresse d'une diplômée sans perspective de promotion sociale. Assia a rapidement trouvé un boulot, s'est mariée et aurait pu couler une vie tranquille avec son époux et les enfants qui allaient venir. Les enfants sont venus mais au Canada. « Nous sommes partis parce qu'on étouffait .» Quand elle a porté sa main sur le haut de sa poitrine, il était difficile de deviner si elle mimait un appel d'air expliquant son exil ou le soulagement de la respiration retrouvée à son retour : le premier depuis près de 20 ans. Assia a pris un congé spécial de deux semaines pour venir sentir les palpitations du pays en marche vers ses rêves de liberté. Assia que nous avons rencontrée il y a trois vendredis devant la Grande-Poste nous a quittés sur cette note d'humour : j'espère que la révolution aboutira rapidement mais je pense quand même à mon mari qui compte venir juste après mon retour. Il sera frustré de ne pas vivre ça ! Youcef vit dans le nord de la France où il est parti reprendre le restaurant de son père décédé il y a une dizaine d'années. Il aurait pu partir avant mais il n'y a jamais songé. Eh oui, des jeunes Algériens comme lui sont rares mais ça existe. Youcef a abandonné son prospère magasin de Jijel et il est allé prendre la place du paternel : « Chez nous, il n'y a pas de regroupement familial, mon père est parti au début des années 70 et il y est resté jusqu'à sa mort. Il a toujours fonctionné dans la pure tradition des premiers migrants algériens : le père va chercher le pain et le reste de la famille reste au bled. C'est ringard mais c'est comme ça .» Pour autant, Youcef ne tient pas tout de son géniteur. De son vivant, il ne partageait pas grand-chose de ce qu'il pensait. Surtout pas quand il soutenait mordicus que le pays est bon à vivre et quand il accable les jeunes qui veulent s'installer à l'étranger : « Mon père était sincère mais je lui disais souvent que le patriotisme, ce n'est pas de dire que tout va bien quand ça va mal .» Non, Youcef ne tient pas tout de son père. Avant de continuer sa marche, il nous fait cette confidence en rigolant : « Mon père va se retourner dans sa tombe, s'il apprenait que j'ai laissé un Français tenir la baraque pendant mon voyage. Mais il y a plus grave : ça fait une semaine que je suis en Algérie et je n'ai pas encore été à Jijel, parce que j'attendais le vendredi à Alger ! Quand j'ai vu les images des manifestations à la télé, je me suis dit que si je ne vivais pas ça, ma vie n'aurait plus de sens » !S. L.
Votre commentaire s'affichera sur cette page après validation par l'administrateur.
Ceci n'est en aucun cas un formulaire à l'adresse du sujet évoqué,
mais juste un espace d'opinion et d'échange d'idées dans le respect.
Nom & prénom
email : *
Ville *
Pays : *
Profession :
Message : *
(Les champs * sont obligatores)