«Le réaliste, s'il est un artiste, cherchera, non pas à nous montrer la photographie banale de la vie, mais à nous en donner la vision plus complète, plus saisissante, plus probante que la réalité même.» Guy de Maupassant (1850-1893)Le chroniqueur poussa un soupir qui exprimait, aussi bien son ennui, que sa répugnance: «Pfff! Jamais, au grand jamais, je n'oserai proposer une telle salade aux lecteurs. J'ai trop de respect pour celui qui se rend au kiosque chaque matin pour sacrifier une obole sur l'autel de la presse libre... Enfin, en partie libre. Je suis bien tenté par la période de la guerre de Libération, mais j'ai des scrupules. Je connais bien des histoires relatant, aussi bien des événements lointains liés à la lutte de Libération et au terrorisme, mais je n'oserai briser le silence que je me suis imposé depuis des décennies pour rouvrir certaines plaies à peine refermées.
J'ai toujours la crainte qu'un lecteur, au détour d'une situation, retrouve un des siens ou reconnaisse un des protagonistes d'une de ces sombres et sanglantes histoires qui ont marqué certaines mémoires. Comme je suis incapable d'inventer des situations biscornues qui feraient sourire des esprits exercés à débusquer les invraisemblances même dans un récit plein de réalisme.
Le réalisme! C'est le mot que je voulais vous entendre dire. Je l'attendais de votre bouche. J'ai horreur de ces récits de supermen à la Rambo ou à la James Bond, avec des super héros bardés de patriotisme et inégalables en force et en courage, incorruptibles et ne reculant devant rien, et évidemment que rien n'atteint.
Comme je ne demanderai à personne de me raconter des histoires de grand-mère, des contes à dormir debout avec des fées et des magiciens à la Merlin ou à la Harry Potter. Je voudrais des récits qui intéressent tout le monde.
Qu'est-ce qui a fait le succès des séries télévisées qui, pendant des décennies, ont focalisé l'attention de téléspectateurs, toutes générations confondues: c'est le réalisme! Je pense particulièrement à cette merveilleuse série qui pousse chaque année des millions de téléspectateurs à rester devant leur poste pour suivre les aventures ordinaires d'une famille de fermiers de l'Ouest américain. J'aurais aimé que cette histoire soit disponible en livre et non en film... J'espère que les bons récits comme celui-ci vont réconcilier les citoyens avec la lecture. Vous aurez sans doute reconnu, La Petite maison dans la prairie qui retrace la vie d'une famille tout à fait ordinaire: les Ingalls.
La série a obtenu un tel succès que les producteurs ont tout fait pour l'allonger et entretenir ainsi l'intérêt du téléspectateur. Dans chaque épisode de cette série, nous assistons à des événements auxquels est confrontée cette famille ordinaire, événements qui vont illustrer les différents caractères des principaux personnages de cette communauté à laquelle appartient la famille Ingalls.
Je rêve d'une telle série en feuilleton dans notre journal. Mais pour la créer, il faudrait un esprit disponible pour cela. Et moi je sens que vous avez l'imagination et la modération nécessaires pour nous raconter les différentes péripéties d'une famille lambda que l'on peut rencontrer au Nord comme au Sud, à l'Est comme à l'Ouest. Bien sûr, vous avez le libre choix de l'époque où vous ferez revivre cette famille: pour faire plaisir aux défenseurs de la culture et de l'identité berbère, vous pourrez aussi bien la situer au temps de Massinissa, de Jugurtha, de saint Augustin ou de Koceila et même pendant le Printemps berbère... Comme vous pouvez trouver l'inspiration nécessaire pour faire revivre le dur exil d'une famille andalouse réfugiée à Vgayeth ou à Tilimssen après la Reconquista. L'arrivée des Turcs dans un village du royaume de Koukou serait aussi bénéfique pour les gens qui n'ont connu l'Histoire du pays qu'à travers le prisme déformant de l'Ecole fondamentale.
La période coloniale ou la lutte de Libération sont aussi des périodes instructives sur la psychologie de nos concitoyens. Mais je préférerais avant tout, le segment du parti unique ou bien la période plus récente du capitalisme sauvage avec en sus le terrorisme, le marché informel et l'anarchie apparente...»
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Posté Le : 17/07/2013
Posté par : presse-algerie
Ecrit par : Selim M'SILI
Source : www.lexpressiondz.com