Une entreprise qui force son destin

C'était une entreprise moribonde et même donnée pour morte. Deux ans plus tard, l'EPE Bejaïa Liège a fait mieux que survivre. Elle produit plus et ses ventes sont en hausse. A son installation, son PDG, Mohamed Himrane, s'était fixé comme objectif de redonner une seconde vie à cette unité créée en 1933 et passée dans le giron public en 1967, après sa nationalisation. Aujourd'hui, c'est avec une fierté légitime qu'il égrène les performances de son entreprise. « En 2015, nous avons réalisé un chiffre d'affaires (CA) en hausse de 120% par rapport à 2014 », révèle le responsable. Pour mieux palper cette positive évolution, il faut savoir que son CA n'était que de 17 millions de dinars en 2013 et qu'il est passé à 25 millions en 2014 et à 39 millions l'année suivante. La production, par rapport à 2014, a tout simplement été boostée à son double en 2015. Outre cela, ajoute Mohamed Himrane, l'entreprise a réussi à réduire considérablement ses charges. Cela, précise-t-il, sans que le personnel ait eu à en souffrir puisque sur les 65 employés, une soixantaine est restée en poste, le reste étant tout simplement parti à la retraite. Bejaïa Liège fabrique essentiellement du panneau d'isolation, son produit phare. Grâce aux aménagements apportés dans la gestion, la production qui était de 54 blocs par jour (soit 18 m3) est passée aujourd'hui à 72 par jour. En 2015, l'entreprise a ainsi produit 4.000 m3 de panneaux d'isolation, contre 2.200 m3 l'an précédent, tandis que le regranulé noir a atteint les 76 tonnes en 2015 contre 19 tonnes en 2014. La poussière de liège, un autre sous-produit, est également valorisée comme fertilisant dans l'agriculture ou utilisée dans l'élevage de volaille. Ce regain de dynamisme a permis à l'entreprise d'exporter vers plusieurs pays (France, Italie, Espagne) et d'avoir des contacts avec d'autres (Allemagne et Autriche), de sorte qu'elle a procédé à 7 expéditions en 2015, contre 6 l'an précédent et seulement 3 en 2013. « Les Chinois nous ont également approchés, ajoute Mohamed Himrane, mais ceux-ci étaient plus intéressés par le grain, qui est en quelque sorte la matière première, que certains privés exportent alors qu'il est plus indiqué de la valoriser sur place ». Ces résultats, selon le directeur de Bejaïa Liège, sont aussi à mettre à l'actif d'une incessante campagne de médiatisation sur les avantages de l'utilisation du panneau de liège dans l'isolation, au lieu et place du polystyrène. Ce dernier est certes moins coûteux, mais cet aspect est contrebalancé par les atouts dont se prévaut le liège. C'est un produit local, naturel donc écologique. C'est aussi le champion de l'isolation et sa durée de vie est supérieure à un siècle, sans altération de ses qualités et donc récupérable et réutilisable. De plus, le liège retarde la propagation du feu, ce qui est avantageux en cas d'incendie. Pourtant, chose étonnante, cet usage du liège est bien peu connu des professionnels du bâtiment en Algérie, fait remarquer Mohamed Himrane. A l'heure où l'on parle d'efficacité énergétique, explique-t-il, il est pourtant plus que temps que ces professionnels mais aussi les décideurs institutionnels s'intéressent de plus près à ce produit qui peut réduire de 30% la consommation d'énergie d'une construction par une bonne isolation thermique. En encourageant l'usage du liège dans l'isolation des bâtiments, on pérennise également une filière qui, outre qu'elle est source de devises fortes, fait vivre des milliers de familles, à travers les emplois créés dans les usines, mais aussi dans les zones de montagne où se fait la récolte, permettant ainsi de freiner l'exode rural, d'entretenir, de préserver et de régénérer les forêts de chêne-liège, participer à l'écotourisme, réduire les gaz à effet de serre... « Les professionnels découvrent de plus en plus les qualités de ce produit et qu'il est attendu, estime Mohamed Himrane, que la demande sur ce produit reparte à la hausse ». L'EPE Bejaïa Liège compte ainsi, sur le court terme, accroître son chiffre d'affaires de 30%. D'autre part, la délocalisation programmée de l'unité vers la zone industrielle d'El Kseur offre à l'entreprise l'opportunité d'acquérir des équipements plus modernes qui lui permettront d'améliorer considérablement sa production et la qualité de ses produits.