Une enquête de grande importance

L'attaque terroriste du complexe gazier d'In Amenas continue de susciter réactions et commentaires dans la presse internationale, notamment dans les pays d'origine des 38 victimes étrangères. Lors de sa conférence de presse à ce sujet, le Premier ministre, Abdelmalek Sellal, avait indiqué que les terroristes disposaient d'un plan détaillé de la base de vie et de l'usine, en laissant comprendre l'existence de complicités internes. Les premières recherches suspectent vite la connivence traîtresse d'un ancien chauffeur de BP, un nigérien dénommé Zeid, qui aurait fourni d'importants renseignements aux assaillants comme la disposition géographique des installations, les systèmes de surveillance et de gardiennage, le timing des allées et venues des équipes de coopérants entre le lieu de travail et la cité résidentielle. Mais, à en croire les déclarations des rescapés distillées dans les médias, il faudrait s'attendre à d'autres «taupes». D'après plusieurs sources d'information, les terroristes savaient aussi au préalable la tenue d'une réunion de haut rang, le jour même de l'attaque, qui regrouperait de hauts cadres des entreprises étrangères (BP, Statoil et JJC) avec leurs homologues de la Sonatrach. Le choix de cette circonstance semble être dicté par la volonté criminelle des ravisseurs d'enlever d'importantes personnalités. Notre confrère Echourouk, citant des sources proches de l'enquête, révèle que 11 fonctionnaires (4 agents de sécurité de BP, 5 employés de Sonatrach et 2 cuisiniers de JJC) seraient suspectés de collaboration avec le commando terroriste. Un journal norvégien, Verlens Gang, a rapporté des informations sur une autre complicité à l'intérieur du site de Statoil.
Le journal a notamment mentionné qu'une partie des équipements et des armes qui ont servi dans l'attaque se trouvaient déjà à l'intérieur du site gazier avant que les assaillants armés n'en franchissent les portes. Cela laisse supposer que les acolytes des terroristes sur place sont en nombre suffisant et occupent des fonctions sensibles pour se permettre d'introduire des armes et de les dissimuler dans un endroit aussi bien gardé. Si l'assaut des forces spéciales de l'ANP a été unanimement salué pour son efficacité et son professionnalisme, l'enquête ouverte à ce sujet devrait également aller au fond des choses pour démasquer ce «réseau dormant» qui a assisté les mercenaires de l'intérieur de l'usine. Le monde entier suit avec une attention particulière les développements de cette investigation.
La crédibilité du pays en dépend. Tous ceux qui ont quelque chose à se reprocher dans la mort d'une quarantaine de leurs collègues doivent répondre de leurs actes devant la justice algérienne et écoper d'un châtiment exemplaire. Leur condamnation doit servir de leçon aux réseaux de soutien qui prêtent encore assistance aux tueurs fondamentalistes. Le degré de sécurisation des sites énergétiques du Sud sera jugé en fonction des conclusions qu'on obtiendra. En outre, les complices externes en Libye et en Tunisie ne doivent pas échapper non plus au châtiment.
Les trois terroristes en captivité et leurs compères supposés parmi les travailleurs représentent une source importante pour leur identification et le lancement de billets de recherche internationaux à leur encontre. Les numéros de châssis des véhicules utilisés peuvent aussi renseigner sur leurs propriétaires réels. On a déjà entendu dire à ce propos que les 4X4 des terroristes appartiennent au gouvernement libyen.
Si cela se confirme, les autorités de ce pays voisin devraient absolument s'expliquer.
En somme, l'enquête en cours à In Amenas est d'une grande importance. Elle est, sans doute, aussi importante que l'assaut donné par les unités d'élite de l'ANP.
K. A.