Algérie

Une dignité interdite aux plus de 18 ans ?



Brusquement, la grève des lycéens devient fascinante. A laregarder sans casque d'analyse ni grille de lecture carnivore, on en vientpresque à vouloir se débarrasser de sa molle maturité et en rejoindre l'aspectmulticolore rien que pour tromper son âge et régler un vieux compte qui remonteà octobre 1988. Dans un pays sans spectacles ni enthousiasmes sincères, lagrève des lycéens devient brusquement captivante : elle n'a pas de partis politiquesà la tête, ni des demandes de réformes de code communale à la queue. Elle estlà et on ne peut ni l'infiltrer pour la caporaliser, ni la matraquerabusivement sans provoquer des condamnations, ni la cerner pour en canaliser leflux vers une réforme de la constitution ou l'inauguration d'un robinet. Ellen'est pas utilisable par les élections, ni convertible en grève de boulangers.Elle est là, mieux organisée que tout le reste, presque heureuse, « festoyante» dans une RADP trop grise et irréductible à la thèse du Grand Manipulateur, ledénommé B. Hamza, ce Franc-maçon du ministère de l'Education. Et puis, ellepermet de rêver : et Si... Et si le Big Brother pouvait finalement être vaincupar des little brothers en cartables ? Car finalement dans les pays où lesdémocraties ont été domestiquées par des fausses ouvertures et des partisuniques coalisés, le changement ne peut venir que par l'imprévu. Peut-être.Mais dans le tas, il reste une évidence croustillante : dans les paysverrouillés comme le nôtre, le spectacle de l'insoumission heureuse restefascinant. Le pays ne semblant reprendre vie que dans la grève, la révolte oula casse. Cela nous vient de la tradition : nous n'avons créé ce pays qu'avecune guerre et tout ce qui a changé dans ce pays, n'a pu être changé que parl'insoumission. Le dialogue en Algérie n'a jamais eu la politesse d'uneconversation mais seulement le ton dur de la négociation post-bataille. Et siles lycéens n'ont pu être matés jusqu'à ce jour, c'est parce que justement ilsne sont ni démocrates, ni islamistes, ni syndiqués, ni émeutiers des communes,ni chômeurs, ni partisans, ni compressés, ni affamés ni des démocrates floués.Ils sont basiquement algériens et trop jeunes pour être pourris de l'intérieur.Une raison majeure qui fait qu'ils en sont devenus insaisissables et doncdifficilement réductibles par la menace ou par le discours. Une raison qui faitque pour une fois, les rôles n'ont pas fonctionné : le « Décideur » n'arrivepas à opter franchement pour la matraque, les grévistes n'entrent pas dans lecadre commode des casseurs à casser. Pour le moment, le spectacle n'a pasencore entraîné les autres classes d'âges de ceux qui ont eu dix-huit ans en88, en 1992, durant les massacres de 1997 ou pendant la fausse renaissance de1999-2003. Tout le monde regarde et songe : pour une fois, la scène estinterdite aux plus de dix-huit ans.


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