Algérie

Une commune qui renaît à l'espoir



Les visites officielles, comme n'importe quelle visite, d'ailleurs, ont ceci de bon,c'est le fait qu'elles joignent l'utile à l'agréable. Sans cela, elles tomberaient dans l'ennui et la lassitude. C'est en y faisant entrer un peu d'enthousiasme, un peu de fantaisie que l'on s'assure du succès d'une entreprise. Cette méthode de travail qui ne nuit ni au sérieux, ni à l'efficacité de ces sorties devrait sans doute inspirer tous les ministres et tous les walis: briser la routine, éloigner de l'effort prolongé toute idée de corvée, voilà le secret de toute réussite.Cela donnait une matinée comme celle du 8 octobre. La cour de l'Institut national de formation professionnelle, très propre, enguirlandée, pavoisée aux couleurs nationales, ce jour-là, était agréable à voir. La salle d'audience où le directeur de la formation et le wali avaient eu leur mot à dire à cette rentrée était «endimanchée» et pleine d'entrain. Les phrases elles-mêmes, prononcées à cette occasion avec solennité, sonnaient comme les cloches de Pâques, c'est- -à dire pour qui cette métaphore est un peu surprenante, car renvoyant à une tradition et à une culture qui ne sont pas les nôtres gaiement. Le ministre de la Formation et de l'Enseignement professionnels à partir de Biskra, par vidéo conférence, l'année 20223-24 est ouverte, ne débordait-il pas de joie et d'espoir quant à la nouvelle année et aux perspectives qu'elle annonçait'
Quand l'utile prenait le pas...
En vérité, c'est tout l'Institut qui paraissait en fête dimanche dernier, le matin. Les professeurs arboraient une mine réjouie et les stagiaires bavardaient et riaient comme au temps, encore si proche, où à l'heure de récréation ils retrouvaient cette liberté et cette insouciance que le règlement empêchait de pénétrer en classe. Les autorités civiles avaient, après cette conférence, visité quelques classes, et pu juger du sérieux qui animait le personnel enseignant et les jeunes apprentis. Quand la porte de cette institution vouée à la formation professionnelle se fut refermée derrière la dernière voiture de notre cortège, un mot avait circulé parmi nous: le wali rentrait au bercail. Cela avait suscité l'étonnement. Et le dernier point de ce programme' N'était-il pas question que le premier responsable se rende dans la daïra d'Aïn Bessem' N'avait-il pas à inaugurer le nouvel institut de formation professionnelle' Cette question qui nous a tourmentés pendant plus d'une demi-heure, tandis que nous rongions nos freins dans la cour du siège de la wilaya recevait enfin sa réponse: nous passions sans transition au deuxième programme qui n'était prévu que pour l'après- midi! Une inauguration, même d'un institut, dont l'importance venait d'être soulignée à cette rentrée passait soudain à la trappe. À faire de point de vue. Pour le wali, l'utile était ailleurs. Quand il devint pour nous évident que c'est la route de Ath Laâziz et non celle de Aïn Bessem que nous prendrions en cette matinée, une petite satisfaction fit quand même place à notre premier mouvement de contrariété. La ville de Aïn Bessem est sur du plat. Le village d'Ath Laâziz est sur une montagne. La variété qui fait le charme des paysages l'avait emporté dans notre coeur sur la monotonie des terres plates. Et vogue la galère! Nous voilà lancés sur cette route montagneuse où chaque tour de roue vous mettait tantôt au bord d'un précipice, tantôt au pied d'une muraille de granit gigantesque!
Il arriva que cette route s'arrêtât, et nous fûmes comme suspendus au flanc de la montagne. Ici, à Bézit Haut, est né un projet d'aménagement urbain et l'entrepreneur a bénéficié de deux mois pour sa livraison.
La sempiternelle demande de logement
Un peu plus bas, alors que rien ne prévoyait, un tel attroupement, le wali fut pris au milieu de citoyens. Certains réclamaient un logement, comme cette vieille femme qui vit avec son fils ayant terminé son service national, ou ce jeune homme sans toit qui, tous vivaient dans des conditions très précaires selon eux, d'autres voulaient de l'eau, comme les citoyens de ce hameau, sur l'autre versant en face.
Ce village a un réservoir mais qui a besoin d'être réhabilité, et son réseau, très ancien, d'être changé. La nouvelle directrice des ressources en eau, interrogée sur un autre réservoir encore à l'état de projet, mais au chef-lieu de commune, avait répondu que l'opposition étant levée, tout allait être fait pour satisfaire ces revendications dans les plus brefs délais. A Bezit haut, quand on regardait vers le nord, on avait le vertige, tant la montagne au dessus de soi est haute! Mais quand on regardait vers le bas, on avait l'impression d'être en permanence en chute libre. Le wali qui visitait trois projets d'aménagement urbain avait dénoncé un problème de communication entre l'ADE, l'hydraulique et l'Onad et exigé plus de coordination entre les secteurs concernés. L'Opgi avait été pointée du doigt sur le volet de l'hygiène qui laissait à désirer dans certains quartiers.
Un peu plus bas, la route du cortège fut barrée. Le wali était obligé de mettre pied à terre. Un groupe de citoyens réclamait des logements. Une famille composée de trois femmes et de deux hommes. Ils avaient refusé le dispositif d'aide à l'habitat précaire et demandaient maintenant à cor et à cri un logement social. Leur logis menaçait ruine. Le wali leur avait donné rendez-vous le samedi prochain, et nous avions pu reprendre notre chemin.
Le wali avait vite retrouvé presque tout son calme, après tous ces incidents, et quand il franchit le portail de l'école primaire, il se sentit tout à fait fans son élément. L'action libérait de ses émotions. Par la porte des classes ouvertes, on entendait la voix des maîtres et celle des élèves interrogés qui répondaient. La cantine est bien entretenue, bien que fort exiguë. Après avoir fait le tour des classes, pincé quelques petites joues et caressé quelques petites têtes par affection, le wali, qui avait promis d'honorer le 17 octobre prochain une enseignante dont les qualités l'avaient frappé, passait maintenant à droite et visitait la cantine. La question de la propreté ne se posait pas. C'était plutôt celle des repas qui interpellait. Et le groupe d'enseignantes qui s'était chargé de transmettre cette préoccupation au wali dénonça un ordinaire essentiellement à base de pâtes. Le même groupe réclamait en outre des tables, du papier et une imprimante pour la préparation des cours. Et le wali, entièrement acquis à leur cause, promit tout ce qu'on voulut, c'est- à -dire l'amélioration de l'ordinaire des élèves, 60 tables, une imprimante et du papier pour cette école, laissant tout le monde sur une bonne impression: l'Etat attachait la plus haute importance au bon fonctionnement des établissements scolaires.
Du charme et des manques
La visite se poursuivant, nous grimpions sur une petite butte où se construit le nouveau CEM. Nous avions déjà visité un peu plus haut, un établissement similaire de plus de 300 élèves. Mais trop petit, et le nouveau répondait à des besoins plus importants, le village ne cessant de se développer. Le P /APC, par son dynamisme et son sens des responsabilités avait tapé dans l'oeil du premier responsable. Malgré les problèmes recensés sur le terrain depuis qu'il était en visite dans cette commune,cela avait permis de voir que l'élu, non seulement ne les ignorait pas, mais proposait pour chacun d'eux une solution adéquate. C'est d'un pas léger que le wali avait franchi le portail du nouveau CEM. À l'intérieur, les travaux se poursuivent. On revêtait le sol, et on marchait dans la poussière et le bruit. Il fallait regarder où poser les pieds. Nous apprenions que le projet en question se réalisait à la place où était l'ancien, en préfabriqué et qu'il coûtait 26 milliards environ au Trésor public.ÀA quel taux d'achèvement était-il' L'entrepreneur avait avancé celui de 90%, mais cela semblait un peu exagéré. Le wali ne semblait content qu'à demi. Il avait remarqué le retard et fixé un délai. Le projet devrait être livré le 8 novembre prochain. Etait-ce tout' Non, car au moment de franchir la porte, un citoyen l'abordait et le mettait au courant. Une conduite d'assainissement avait éclaté juste devant chez lui, et ce déversement nauséabond rendait l'air irrespirable pour lui et sa famille. Il demandait une intervention rapide. Cherchant des yeux les directrices de l'Urbanisme et de l'hydraulique, nouvellement installées toutes les deux, et ne les voyant pas, le wali piquait son deuxième accès de colère de la journée. Il ne comprenait pas comment, étant venu pour écouter les citoyens, il se retrouvait seul au moment de donner des instructions pour la prise en charge de leurs préoccupations. Ainsi se termina cette visite à Ath Laâziz, une localité des plus charmantes de la wilaya. On y voit de belles routes, de belles maisons, de beaux jardins, de beaux figuiers et de beaux oliviers et l'on se dit, en contemplant de profonds ravins et de hautes montagnes que, tout bien considéré, il doit faire bon vivre là- bas. Certes, la journée était lumineuse et chaude. Et les ors et les cuivres dont le soleil barbouillait arbres, prés, forêts, monts, vaux et murs créaientt partout une impression de féerie qui transformait les paysages en leur donnant un aspect somptueux. Mais les oiseaux et leur beaux ramages, nous dirait-on' Mais les sources et leurs joyeuses courses à travers les champs et les bois' Hé, est-ce à nous qu'il faudrait demander cela' Est-ce nous que de telles questions regarderaient' N'était-ce pas à Dame nature qui en a la responsabilité à s'expliquer' N'est-ce pas à elle qu'il fallait demander, par exemple, pourquoi il n'était pas tombé une goutte de pluie depuis fin mai' Mais patience, nous aurons l'occasion de revenir sur tout cela. Le wali n'a-t-il pas promis de revenir le 8 novembre, date qu'il s'était donnée pour la livraison de cet établissement scolaire qui connaît un certain retard, sans parler de ces trois projets d'éclairage public qui connaissaient un certain retard' Au fait, pour terminer, qu'est-ce qui avait été de l'ordre de l'utile et qu'est-ce qui a été de l'ordre de l'agréable en cette journée'


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