Algérie

Une chaîne de production joyeuse et inintérrompue'



La conférence de rédaction, c'est pour ainsi dire le « Parlement»Â  du journal. C'est surtout la «réunion de menu» à  la faveur de laquelle se dessine l'édition du lendemain. Fonctionnant sur le mode du brainstorming, tout y passe : l'actualité immédiate du moment, mais aussi les sujets en perspective à  développer, notamment en enquêtes et reportages de terrain. Exemple : la réunion de ce lundi 4 octobre a tourné principalement autour de l'interview choc de Chadli Bendjedid accordée à  une revue japonaise et exhumée par nos confrères de Liberté. Et comme, en prime, cela tombait la veille du 5 octobre, c'était forcément intéressant à  triturer. La visite du président russe Dmitri Medvedev était également au centre des attentions, de même que le terrorisme au Sahel qui occupe toujours la Une, à  quoi il convient d'adjoindre les dernières attaques terroristes qui ont endeuillé nos contrées. En économie, le feuilleton Djezzy continue de faire l'actu, tandis qu'au chapitre international, c'est l'élection présidentielle au Brésil, véritable leçon de bonne gouvernance pour nos régimes, qui sera retenue. En ouverture de la page «Culture», il  est prévu un papier sur la sortie en salle, sous nos cieux, du film Hors-la-loi  de Rachid Bouchareb, un opus qui provoque force remous dans les milieux d'extrême droite en France. Enfin, dans la rubrique sportive, retour sur la débâcle de la JSK à  Lubumbashi et les chances des Canaris de se tirer de cette mauvaise passe. Comme n'importe quel journal, et a fortiori quand il s'agit d'un quotidien généraliste comme El Watan, le challenge, c'est d'offrir de la bonne lecture à  tous les compartiments, et d'être à  la page dans toutes les rubriques. Et Dieu sait que ce n'est pas facile tous les jours. Métier de création par excellence, il faut dire que l'imagination n'est pas au rendez-vous à  chaque édition. Car la difficulté, c'est de rendre une bonne copie tous les matins en slalomant comme un diable entre les mille et une anicroches inhérentes à  notre job. Et ce sont souvent les choix éditoriaux, la pertinence des sujets traités et des angles proposés qui font la différence. En l'occurrence, la rédaction ballotte en gros entre l'évidence (pour ne pas dire le diktat) d'une actualité qui est là, qui crève l'écran, et qui exige d'être restituée le plus honnêtement possible, d'être traitée, disséquée et interprétée, le tout, en un temps record. Cela d'une part. Les journalistes ont un devoir d'imagination, d'autre part. Ils sont astreints à  une obligation de prospective, d'anticipation sur les événements, de projection dans le futur immédiat, en étant toujours à  l'écoute des bruissements du monde et des soubresauts qui secouent la société. Bien sûr, il y a le souci permanent de faire une belle «Une». Mais pas à  n'importe quel prix. Sans avoir la prétention d'être la conscience du monde, le journal s'est imposé, comme ligne de conduite, de ne jamais céder au sensationnel facile et de remplir son rôle de vigile, de témoin et de baromètre de la société, en étant toujours prompt à  alerter l'opinion, interpeller les pouvoirs publics, chaque fois que les circonstances l'exigent. Nous nous devons ainsi de recharger les batteries tous les matins que Dieu fait, en tâchant d'arriver à  la rédaction aussi frais, aussi hardis et aussi passionnés que possible, en recommençant avec le même enthousiasme l'exercice bien délicat qui consiste à  mettre en boite les 24 heures de l'histoire du monde qui viennent de s'écouler, et les 24 heures qui se déploient sous nos yeux. Un vrai exercice d'équilibriste, surtout dans un pays comme l'Algérie où tout reste à  faire, où la presse tient parfois lieu d'unique interface entre l'Etat et la société civile en l'absence de relais. Une horloge chevillée  au corps Cela pour expliquer un peu le background de la condition de journaliste dans une rédaction à  Alger et surtout l'esprit qui nous anime au sein de l'équipe d'El Watan. Bref. Passée la phase «remue-méninges»Â  donc et «scénarisation» des sujets, l'étape production des articles est immédiatement enclenchée.Une horloge (voire un chronomètre) incrusté dans la tête, les journalistes, après avoir pris connaissance de leurs papiers et de leurs angles, passent à  l'action : collecte des infos, contact des acteurs, experts et autres intervenants en tout genre à  faire parler éventuellement, enquêtes et reportages d'appoint, couvertures, à  quoi ajouter les papiers d'analyse et autres commentaires à  produire. Les bureaux régionaux, un réseau touffu de correspondants, qui ont un rôle très actif dans la production de l'info, sont largement mis à  contribution dans ce processus, de même que les bureaux et correspondants étrangers, particulièrement le bureau de Paris. Ruée sur la machine à  café trônant au milieu du long couloir du journal. La caféine est, en effet, un adjudant incontournable pour nombre de collègues. Dans la salle des opérations, comprendre la technique, les personnels de la PAO ainsi que ceux du précieux service «correction» sont déjà à  l'œuvre pour peaufiner, corriger, monter, les papiers au fur et à  mesure qu'ils tombent. Les «pages mortes»Â  sont les premières à  àªtre traitées. Deux équipes, une du matin et une du soir, assurent la fabrication proprement dite du journal sous la houlette des secrétaires de rédaction. Les deux rédacteurs en chef, assistés des chefs de rubriques, continuent pendant ce temps de suivre scrupuleusement la progression des articles, voir quels sont les sujets qui aboutissent et quels sont ceux qui achoppent sur l'éternel écueil de l'accès aux sources.
15h. La réunion de «Une»Â  regroupe le staff du journal pour faire le point et dégager la physionomie de l'édition en cours d'élaboration. Choix des manchettes et hiérarchisation des ouvertures devant apparaître sur la première page. Les reporters, eux, s'activent encore de leur côté, le stress chevillé au corps, pour boucler leur papier. Des débriefings sont parfois nécessaires avec le «réd-chef» pour cerner les choses et tirer le meilleur de la matière éditoriale recueillie. L'une des hantises de tous en fin de journée, c'est le calibrage. C'est un sujet de négociation permanente entre le journaliste et le rédacteur en chef, et entre ce dernier et le secrétaire général de la rédaction. Une fois la matière rédactionnelle réunie, le travail de mise en forme, de mise en page et de «mise en scène» de l'information, est effectué. Habillage des papiers, choix des photos, travail sur le visuel, infographies, autant d'ingrédients pour soigner «l'esthétique» de l'information et lui garantir la meilleure lisibilité possible. Ce sont aussi autant de paramètres que le journal a intégrés dans son look pour offrir aux lecteurs un produit moderne, aéré, agréable et digest. 20h. Les derniers papiers sont tombés. C'est bientôt l'heure du bouclage qui sonne aux coups de 20h30, 21h, selon les jours et les événements. La « Une»Â  et la «Der», ainsi que les pages 2, 3 et 4 sont les dernières à  partir à  l'imprimerie. Bonne lecture ! 


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