Algérie

Une campagne à « son » unique



Si l'on doit revenir sur ces trois semaines de campagne en s'attardant uniquement sur le volet « communication », il y a lieu de relever certains éléments qui font dire aux spécialistes que la publicité politique a beaucoup de chemin à faire avant de s'ancrer dans nos stratégies électorales. Khaled Samar, concepteur visuel, relevait dans notre enquête sur la com' des candidats (voir El Watan du 29 mars 2009) les travers des affiches politiques qui meublent les panneaux électoraux en soulignant combien nos candidats gagneraient en termes d'image s'ils consentaient plus d'efforts quant au choix des couleurs, des postures, de la gestuelle et des slogans lors de la confection de leur arsenal de campagne. Il est vrai que pour cette présidentielle 2009, l'exercice vaut pour ces vertus pédagogiques davantage que pour son efficience politique, le sort de cette élection ayant été scellé dès le « coup d'Etat constitutionnel » du 12 novembre qui a permis au président candidat de briguer un troisième mandat. On le voit d'ailleurs tous les jours : Bouteflika bénéficie d'une machine de guerre colossale qui travaille pour son image.Il n'est pas jusqu'à l'aéroport international d'Alger, censé être un espace neutre, qui n'ait voué ses halls à célébrer le zaïm, affiches géantes et écrans plasma à l'appui, en violation totale des règles d'impartialité censées régir l'espace public en période de campagne. D'ailleurs, cette partialité flagrante des murs institutionnels et autres supports publics qui déroulent un « tapis bleu » à Bouteflika est en soi un point noir à porter au passif de cette campagne. L'affichage sauvage érigé en mode de promotion électorale est un autre symptôme, si besoin est, du caractère « fermé » de cette élection. Tayeb Zitouni, P/APC d'Alger-Centre, nous apprenait dans les colonnes du quotidien Liberté hier que pas moins de 5000 associations ont été mises à contribution, rien qu'à l'échelle de la capitale, pour animer la campagne de Bouteflika et mener des actions de proximité en son nom.Mais les soutiens du président dépassent de loin le cadre associatif pour toucher tous les secteurs. L'administration, en la circonstance, aura fait preuve d'un favoritisme insolent, de même que les collectivités locales et tous les segments de l'Etat. Sans parler de la télévision nationale et ses dérives en série. Un asservissement généralisé qui prenait parfois les accents d'une dictature rampante et diffuse agissant par la menace vis-à-vis des plus récalcitrants et se parant des oripeaux du consensus ronronnant pour cacher la laideur de ses pratiques. Et quand ce n'est pas la crainte de sourdes représailles qui fait agir les agents de l'Etat, c'est tout bonnement la convoitise ou, pire, la « logique du mouton de Panurge » qui pousse des pans entiers de la société à s'arrimer au troupeau dans une hystérie carnavalesque. Au bas mot, ce sont de plates considérations mercantiles et des calculs politiciens proprement pragmatiques qui font ameuter les opportunistes de tout poil.La mobilisation du tertiaire et du commercial a achevé de saturer le paysage urbain aux couleurs de Boutef. Que de fois n'a-t-on entendu parler de tel propriétaire de villa ou d'un quelconque fonds de commerce ayant pignon sur rue qui ont cédé leur façade au poster présidentiel moyennant rétribution sonnante et trébuchante. Autant de faits qui expliquent dans une large mesure la cacophonie et le « parasitage » qui ont caractérisé la promotion de l'image du président sortant. L'observateur averti aura relevé une impressionnante débauche d'affiches à l'effigie de Boutef rivalisant de maladresse, de folklore et de naïveté avec ici un abus des motifs nationalistes, là un recours récurent aux mêmes symboles niais que sont la colombe, la cruche ou encore la kheïma.Au final, on aura vu et entendu de tout dans cette campagne. Une campagne à sens et à « son » uniques. Extrait : « Bouteflika ya laâziz djebtenna edevise ou nahitenna la crise » (« Boutelika notre bien-aimé, vous avez ramené la devise et résorbé la crise »). C'est un couplet d'une chanson improvisée par l'un des bouffons du système et fusant d'une grande surface transformée en QG de campagne rue Larbi Ben M'hidi. Cela restera d'ailleurs comme l'une des flétrissures de cette élection, à savoir la pléthore de courtisans charriés par le torrent présidentiel, y allant chacun de ses ferveurs pour ne pas être en reste dans ce grand festival de normalisation et ne pas manquer les éventuels dividendes, si insignifiants puissent-ils être, promis aux plus zélés. En effet, le message subliminal que semble émettre une bonne partie de ces soutiens est : « Atfekrouna », (« Ne nous oubliez pas »), attendant de généreux pourboires au titre du « service après-vote ». D'autres le font par pure crainte de perdre des marchés une fois le président réélu et ses réseaux reconduits.Et c'est tout l'esprit du « système Bouteflika » : l'actuel locataire d'El Mouradia restera comme celui qui a institué cette culture de la servilité poltronne. Bouteflika a insidieusement installé la terreur dans nos m'urs politiques et managériales. Seuls les autocrates authentiques terrorisent à ce point les cadres et les compétences de leur pays.


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