Une brèche à élargir

Des Palestiniens de Gaza par milliers sont passés en Egyptepour s'approvisionner, après que des militants eurent procédé à l'ouverture debrèches dans la clôture à coup d'explosifs. C'était prévisible. Les militantspalestiniens connaissent leur histoire et ils n'allaient pas attendre que leConseil de sécurité de l'ONU prenne acte qu'Israël viole toutes les loisinternationales et encore moins qu'il agisse.Le point de passage de Rafah en direction de l'Egypte estle seul entre Gaza et le monde. Et que les responsables arabes le veuillent ounon, ce point de passage est devenu un redoutable symbole, celui de lacontribution passive du monde arabe officiel au blocus criminel de Tel-Aviv.Avant-hier, lorsque des femmes palestiniennes ont essayé deforcer le passage, Le Caire s'en est pris au Hamas pour lui reprocher de ne pascontrôler la situation. Mais il était clair que les Palestiniens de Gazan'avaient nul besoin d'être instrumentalisés par le Hamas pour regarder lepassage de Rafah comme seule possibilité de s'approvisionner en produits. Safermeture leur est d'autant plus insupportable que, contrairement auxcomplaisances des officiels arabes, ils n'attendent strictement rien d'Israël,hormis plus d'épreuves.Israël, en procédant au blocus de Gaza, n'a fait que durcirsa politique routinière d'oppression permanente des Palestiniens, qui consisteà rendre leur vie difficile. Mais en la rendant impossible, Israël a misl'Egypte, et derrière elle les autres Etats arabes, devant une situationintenable. Elle l'était d'autant plus que les opinions observent «en direct»les effets du blocus sur les Palestiniens. Ces opinions comprennent pourquoi leConseil de sécurité ne fera, une fois de plus, rien contre Israël mais cela nedédouane pas, à leurs yeux, les Etats arabes de leur passivité.Avec les trous faits dans le mur à coup d'explosifs, unproblème grave s'est posé: l'Etat égyptien allait-il recourir à la force pourbloquer l'irruption inévitable des Palestiniens à partir des brèches pour allerfaire des achats en territoire égyptien ? Le Caire aurait pu faire ce choix aunom de ses obligations internationales, mais le coût en terme d'image auraitété fatal. Il a choisi de laisser ces Palestiniens venir s'approvisionner etc'est un bon choix. Le seul bon choix à faire quand l'ONU et le Conseil desécurité n'assument aucune des obligations concernant la protection des civilset l'interdiction des punitions collectives.La décision de Hosni Moubarak de laisser les Palestinienss'approvisionner montre que les Etats arabes disposent, au moins, del'indignation des opinions arabes comme moyen d'élargir leur marge d'action.S'il faut saluer la sagesse dont a fait preuve l'Egypte, il faut surtout souhaiterque la brèche ouverte dans les murs de Gaza ne se referme pas de sitôt, maisqu'elle s'élargisse. Les autres Etats arabes devraient manifester de manièreconcrète leur soutien pour casser ce blocus indigne et refuser d'y participerpar leur passivité.