Algérie

Une bouffée d'art familial



Une bouffée d'art familial
Il y a des sagas familiales drôlement ancrées dans les rets de notre inconscient collectif. Des familles qui ont fait fortune dans le négoce, l'industrie ou l'artisanat. Tous les héritages se suivent sans nul doute mais ne se ressemblent pas, voilà un point qui est certain.Cependant, l'originalité est au rendez-vous dans ce générique suggéré comme celui de « Impression soleil levant » soufflé par Zola aux désormais impressionnistes. Toute proportion gardée, notre ami journaliste, écrivain, épicurien des belles et des mauvaises occasions, complice de la prose et du bon mot, laisse sa signature sur un évènement qui sort des sentiers battus et des sentes mille et une fois arpentées, il gratte au stylo le mot « Sagadar » et l'espace d'une exposition unique, complice, conviviale, la famille d'artistes, laisse poindre de ses profondeurs, les artistes d'une famille.
Ici à partir du 11 novembre 2017 aux ateliers Bouffées d'Art, une famille d'artistes s'est donc installée, pour laisser les artistes d'une famille précise, s'exposer comme ça, tranquillement, sans avoir l'air d'y toucher dans une rencontre collective qui illustre un peu le cheminement de quelques individus qui s'échappent par une porte colorée pour montrer un peu l'étendue de leur talent. Etonnant alors de dire qu'il y a le chef de file, Karim Sergoua qui a souvent posé les bonnes questions à sa mère et à ses tantes maternelles, pour trouver la voie des aînés, qui l'ont précédé dans la couleur. Et puis il y a aussi Rachida Merzouk, peintre subtile, illustratrice de livres pour enfants, céramiste d'art pour l'atelier mythique « Soupçon d'art ».
Elle accompagne l'artiste Samia Merzouk, la voix fine et le c?ur sur la main, la main dans l'argile blanche qui enfante les plus belles pièces, et puis il y a votre serviteur, écrivain, journaliste, plasticien amoureux de formes disloquées et de couleurs trop franches de la figuration libre et des graffitis trop sales de leur vérité implacable.
On serait tenté de citer la benjamine Belkis Sergoua, trop mimi, un peu timide et au verbe acidulé de réflexions à l'ironie inexorable, éprises de tous les effacements, les gestes travaillés aux pinceaux, suggérant des refus catégoriques dans des gestes fixés sur les toiles pour l'éternité. Mais cela serait trop facile d'énumérer ceux-là, il y a aussi Rachid Sergoua, entre jazz et chaâbi, élève particulier d'El-Anka, voix à la Mekraza, et puis Mohamed Sergoua, le chanteur chaâbi, amoureux des notes de hadj El-Hachemi. Ils ont tous fait leurs armes et leurs chemins entre fêtes jusqu'à l'aube et écritures musicales de haute facture.
Mais il y a aussi Naouel Sergoua, artiste peintre, diplômée des Beaux-arts d'Alger et installée à Lyon, à son compteur quelques expositions, un panel de travaux éclectiques, et un talent fou en bandoulière. Si l'on oubliait quelques tantes perdues en Kabylie, artisanes potières, spécialistes en vanneries en tout genres sans mauvais jeux de mots, on se rappellerait enfin qu'il y a Massi Sergoua, Alpa de son nom d'artiste, lui a rejoint les mots, il est rappeur et écrit jusqu'à plus soif.
La famille est sans doute au complet, si l'on comptait quelques futures jeunes pousses qui promettent, on attend la cuvée prochaine... Sagadar, aux atelier « Bouffées d'Art », c'est un exercice de style, ce sont quatre personnalités farouchement indépendantes, de la céramique et objets d'arts entre aplats, formes design émaillées superbement, des Khamssa aux formes étranges, originales, et des porte-fruits insolites, qui laissent la place à un étrange aréopage de personnages accusateurs, rouges vifs, de portraits fulgurants, de Karim Sergoua dans la splendeur de ses ras-le bol épiques.
Et puis Rachida Merzouk qui se fond dans la masse avec la frangine Merzouk Samia, la complicité se fend en deux, éclate de mille feux dans les quatre éléments réunis, l'alchimie transparaît dans les objets, et la collection est ancrée dans le fabuleux décodage du passé pour un encodage conceptuel dans le futur.
Les ?uvres de «Soupçons d'art» ont une âme bien sentie, oubliée l'artisanat d'art pour joindre allègrement l'Art tout court...Belkis Sergoua, fraîchement diplômée de l'ESBA, nous laisse quelques ?uvres marquantes sous les yeux, une peinture assez puissante, sur des portraits pertinents, l'effacement entre dans la stylistique, cela ne ressemble pas à du Francis Bacon, mais la sincérité du geste est là, il est éloquent, comme un refus, un «Non !» lancé à la face du regardeur. La benjamine connaît la route...et elle clôt cette fratrie, ces amis réunis dans les liens du sang et de la couleur, «Sagadar» continue son chemin, à voir de toute urgence avant le 30 novembre 2017.
Exposition collective « Sagadar », avec Karim Sergoua, Belkis Sergoua, Rachida Merzouk, Samia Merzouk. Au, Les Ateliers Bouffées d'Art, sis à la Résidence Sahraoui, les Deux Bassins, Ben Aknoun, Alger. Entrée libre


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