Une autre danse partisane

Il est de coutume qu'après des élections, les perdants rechignent, crient, vocifèrent, gesticulent puis, une fois la défaite digérée, se taisent et se remettent au travail avec pour objectif, les prochains scrutins. Ce qui se passe chez nous ces derniers jours ne relève cependant point de cette réaction, somme toute normale, que développerait tout parti, un peu partout dans cette planète. Est-ce l'os de la perte qui serait trop difficile à avaler pour les partis islamistes et qui les aurait poussés au boycott de la prochaine APN' Ou est-ce le fait d'avoir fait moins bien que leurs voisins marocains et tunisiens qui les aurait rendus si frustrés' Avaient-ils réellement une illusion de victoire à la sortie d'urne du 10 mai' Ou alors peut-être, c'est qu'il y a un problème de prise de conscience un peu trop tardive dans les rangs de ces partis. A moins qu'ils soient encore en train d'essayer de tromper tout le monde. Quelle que soit la raison qu'ils invoqueraient, ces partis qui se seraient décidés à boycotter l'Assemblée nationale seraient dans le tort parce que, lorsqu'on a accepté de jouer, cela signifie que l'on a aussi accepté les règles du jeu. Et il n'y a que trois catégories qui peuvent chercher à remettre en cause les règles d'un jeu selon leur humeur ou leur situation: les enfants, les incohérents et les puissants. Or, les partis islamistes qui ont décidé de ne pas participer à l'APN, et parce qu'ils ne font partie ni des premiers ni des derniers, font plutôt preuve, à travers cette décision, d'une incohérence à toute épreuve. On ne peut pas, après avoir longtemps et longuement flirté avec le pouvoir en place, se prévaloir d'une quelconque virginité politique.
On ne peut pas, non plus, après avoir sillonné les marchés et les places publiques pour dire, haut-parleur en main, tout le bien qu'on pense du pouvoir en place, l'accuser en bombant le torse de manipulations et de malhonnêteté. Et l'on ne peut, après avoir desservi une idéologie, s'en servir pour se racheter. Les principes ne se mettent pas au frigo, et les convictions ont horreur des congélateurs. S'il ne fait pas de doute que l'on puisse se lever de table à tout moment, le minimum de politesse impose cependant que l'on remercie l'hôte d'abord. Il est des moments dans la vie d'un parti, comme dans celle d'un individu, où il n'est point indiqué de raisonner autour de son propre nombril. Tout le monde sait ce qu'auraient valu certains partis sans l'aide du pouvoir en place et tout le monde sait aussi ce à quoi ces partis ont servi à un moment ou à un autre. Alors que se passe-t-il maintenant pour que les doux soumis d'hier jouent aux révoltés d'aujourd'hui' Une autre manoeuvre sous la baguette du pouvoir en place pour, encore une fois, donner aux Algériens et au monde l'illusion d'une opposition' Un autre jeu dont la victime non consultée serait l'Algérien' Un réveil d'une conscience longtemps absente d'un monde politique sans principes et sans limites' On regarde et l'on ne peut s'empêcher de se demander à quoi rime toute cette gesticulation' Il était plus facile pour ces partis-là de ne pas aller aux élections, mais cette éventualité n'était même pas considérée à un moment où, à notre droite comme à notre gauche, des partis religieux avaient remporté les scrutins. Comme si, par miracle, ce qui se passe ailleurs devrait se reproduire ici. Comme si les conditions historiques et sociales étaient les mêmes. Comme si les oppositions étaient les mêmes. Boycotter l'APN ne signifie absolument rien. Cela ne donne pas plus de pain aux Algériens, ni plus de travail. Cela ne les pousse pas non plus à améliorer leur quotidien. Cela leur donnera simplement à se demander, encre une fois, à quoi sert un parti politique' De toute façon, ils étaient bien dans l'hémicycle des années durant et ils n'ont contribué à rien. Ils n'ont laissé aucune trace de leur passage. Un parti, cela ne prend vraiment de sens qu'à partir du moment où il devient réellement utile pour la société. Chez nous, malheureusement, c'est en fonction de la danse qu'il sait effectuer qu'on l'évalue. Et c'est ce qui donne ces comportements souvent irresponsables et toujours incohérents.