Algérie

Une agréable surprise



Les premiers résultats de l'élection présidentielle en Egypte dégagent la voie à un duel entre un candidat issu de l'ancien régime et un islamiste. En apparence, tout est dans l'ordre des choses. La bataille va opposer un représentant d'un système en place défendant des intérêts substantiels et bien installés dans le pays et une offre politique islamiste réformiste de type piétiste qui ne bouleverse pas l'ordre établi, mais tente de lui apporter des aménagements «moralisants». Avec le risque d'imposer des normes de comportement attentatoires aux libertés.
Les forces dominantes en présence en Egypte se retrouvent, à des degrés divers, dans le reste du monde arabe. Des systèmes en place, de lointaine tradition nationaliste, faisant face à une contestation islamiste qui a appris à modérer son discours et à transmettre des messages rassurants à ceux qui dominent l'ordre mondial. Cette réalité ne doit pas pour autant créer une défiance à l'égard de la démocratie, ni à amener, par peur, à renoncer à l'idée même d'un dynamisme politique qui donne aux citoyens leur capacité à faire et à défaire les gouvernements. Tant il est clair encore faut-il l'admettre vraiment qu'il est plus simple et plus sain de changer de gouvernement quand ça ne marche pas plutôt que d'essayer de chercher à changer de peuple. La peur est un instrument redoutable pour faire admettre que le statu quo est préférable au changement. Or, dans la plupart des pays arabes, le statu quo alimente une crise qui a déjà profondément entamé les fondements de l'Etat national et créé une disponibilité, inégalée, à jouer n'importe quel jeu pour abattre des ordres autoritaires d'autant plus insupportables qu'ils sont inefficaces.
La peur de l'islamisme est devenue, in fine, l'argument exclusif des régimes en direction des classes moyennes et supérieures et surtout vers l'extérieur. Il s'agit bien d'un leurre, d'une réponse illusoire. La seule approche cohérente et effective consiste à «nationaliser» la solution et cela passe nécessairement par l'affirmation des droits et des libertés, de toutes les libertés, publiques et privées. Ce sont les citoyens libres et égaux en droits qui peuvent redonner aux institutions et à l'Etat une capacité à défendre, au mieux, les intérêts du pays vis-à-vis de l'extérieur. Le statu quo sur fond de crise permanente est la pire des options, il accentue la faiblesse d'un pays, même s'il permet à une tyrannie de perdurer.
Certains peuvent estimer, en observant le deuxième tour qui s'annonce en Egypte entre un représentant des Frères musulmans et un ancien général, que le «choix» n'existe pas, et que les urnes dans le monde arabe ne produisent que des résultats «indésirables». En réalité, ceux qui sont hostiles à la démocratie et aux libertés font mine d'ignorer que les sociétés arabes sont écrasées depuis des décennies par des politiques autoritaires qui ont fait le lit des réponses islamistes pour des motifs qu'il n'est pas difficile de comprendre. Cette logique binaire qui appauvrit le champ politique est un produit naturel de l'autoritarisme et de la dictature. Raison pour laquelle il n'est guère surprenant de se retrouver avec un barbu et un général au second tour.
Mais comment ne pas constater que le candidat nassérien de gauche obtient un score remarquable alors que la bipolarisation régime-islamisme semblait monopoliser le champ politique ' Ce résultat montre que la société égyptienne, malgré l'autoritarisme, le charlatanisme et le «baltaguisme» politique, dispose de ressorts. Le résultat, presque inespéré, du candidat nassérien de gauche, Hamdine Sabbahi, est remarquable. Il indique à ceux qui défendent des idées de progrès, de justice et de liberté que le combat ne doit jamais être considéré comme perdu d'avance. Et qu'il faut le mener résolument au nom de la démocratie.




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