Algérie

Une «affaire» qui fait peur pour ce pays



Une «affaire» qui fait peur pour ce pays
Vu d'un angle mort, Bouteflika est, finalement, l'homme d'une ruse infinie et patient comme l'érosion : les généraux qui l'ont ramené se mangent entre eux, aujourd'hui, et se font manger par l'un d'eux qui ne leur pardonne pas. L'homme qui ne voulait pas être les trois quarts d'un Président a réussi l'impensable : pousser la caste des «décideurs» jusqu'aux cases de la mort, la retraite ou même la prison avec des chefs d'inculpation humiliants : l'un pour constitution d'un groupe armé et l'autre pour trahison ! Le Vieux doit jubiler dans le centre muet de son royaume.Mais vu sur un autre angle, cela ne promet pas le bonheur pour notre pays : la justice a, encore, les apparences d'un téléphone : elle ne bouge pas lorsqu'un islamiste vous menace de mort, en live et l'assume et appelle à l'ouverture d'une ambassade Daesh, chez-nous, ou refuse de se lever pour le drapeau algérien, mais s'agite avec vigueur et procédures lorsqu'un général ose le crime de lèse majesté, envers les siens. C'est ainsi, dans notre pays : les guerres n'apportent pas la justice, en épilogue, mais seulement des changements de rôles. On a, longtemps, souhaité voir les généraux comme mortels, on y assiste, aujourd'hui, sans que cela ne soit le spectacle de la justice, comme idéale mais, seulement, celui de la répression politique comme moteur. L'arrestation du général Benhadid a été trop rapide, trop spectaculaire, trop mise en scène et trop bien pesée qu'elle en révèle l'humeur, le caprice ou l'emportement «personnel». Personne n'en sort grandi : ni cet homme pour ses guerres assises, ses ressentiments en guise de visions nationales et ses humeurs qui ressemblent à des règlements de comptes d'aigris d'Ex - du régime, plutôt qu'à une opposition généreuse pour l'avenir ; ni ceux qui se sont empressés, à la manière d'une razzia de l'arrêter, ainsi, sous cette forme et avec cette célérité. Ce général a diffamé par son propos, mais l'action contre lui ressemble à une vengeance tribale et pas à une action de justice civile ou à l'heure nouvelle d'une époque de justice et d'équité.Vu sous un troisième angle, on est en pleine nécrophilie des années 90 : ce qui nous reste comme Etat se dégrade en cannibalisme entre factions, régions, grades et fonctions et capitaux. C'est l'apothéose d'une vision sinistre pour ce pays. C'est une mauvaise fin pour la légende algérienne. Les «hommes 90» n'ont pas été jugés pour une décennie, des choix ou des responsabilités, dans la noire douleur de l'Algérie, mais pour des raisons de «personnes», à la limite, de colère et d'égo. Ce n'est plus de l'histoire nationale mais de la préhistoire que cet étalage de linge sale, ces règlements de comptes et de procédures, trop prompts pour être normaux. Cela envoie un message mauvais aux Algériens, aux élites de l'armée et aux élites d'affaires et laisse entrevoir des lendemains de matraques et de cellules pour le moindre crime de protestation. Cela donne l'impression que ce n'est pas l'Algérie qui gagne mais, seulement, une «famille».Bien sûr, il faut aller vers un Etat civil qui ne soit ni sous la coupe de généraux «immortels», ni sous la puissance d'oligarques «enfants gâtés», ni sous domination d'islamistes dopés à l'impunité et chargés de missions de meute de chiens pour faire peur. Il faut «arrêter», avec la même vitesse, un homme qui accuse un autre par des insultes ou pour appel à la désobéissance armée, qu'un autre farfelu islamisé qui appelle à la mort, dans les télés inféodées, qu'un oligarque qui joue des épaules avec un nouveau parti unique VIP. Le pouvoir en Algérie a, toujours, eu ce souci maladif des procédures, même pour ses actes de dictature et a toujours respecté les formes. Cette fois, ces politesses ne semblent pas avoir été de mise et l'équipe actuelle ne se soucie, même plus, des apparences. La pensée profonde est que le 4ème mandat est un mandat infini et que ce «peuple» n'existe pas puisqu'on peut l'acheter avec deux chèvres et un sac de semoule. Cela fait peur car l'affaire Benhadid a ouvert une porte et peut donner de l'appétit à la répression. Cet homme a diffamé et doit être jugé, sur plainte du diffamé. C'est l'affaire de la justice. Mais les formes de cette affaire, sa célérité, son «spectacle», et ses «auteurs», ne laissent pas croire à une affaire de justice mais de politique et de démonstration de force. Benhadid doit assumer ses propos mais nous, nous allons subir, longuement, les conséquences de cette «affaire».




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