Algérie

"Une affaire politique exige une décision politique"



Mes Assoul, Bouchachi et Badi ont esquissé un tableau sombre sur la situation des droits de l'Homme et des libertés.Des membres du collectif de défense du journaliste Khaled Drareni ont animé, hier à Alger, une conférence de presse au cours de laquelle, ils ont apporté plus d'éclairage sur les implications d'une affaire qu'ils estiment sans fondement juridique. Pour Me Zoubida Assoul, le verdict rendu le 15 septembre 2020 par la Cour d'appel d'Alger est sidérant.
"Nous avons tous été surpris. Nous, ses avocats, savons que son dossier ne contient aucun élément justifiant deux ans d'emprisonnement. Depuis que le chef de l'Etat l'a traité de ?khabardji', la justice s'est échinée à lui trouver des chefs d'inculpation. Le Président dit être garant de la liberté de la presse.
Malheureusement, les interférences politiques continuent à accabler Drareni", a-t-elle dit. Elle a estimé incongru que le président de l'Observatoire des droits de l'Homme s'en mêle aussi, évoquant l'accusation fantaisiste qu'est "atteinte à l'image du pays".
Le pourvoi en cassation est la seule voie de recours en l'absence d'une volonté politique de le libérer. Abondant dans ce sens, Me Abdelghani Badi a mis en évidence un combat déloyal. Il a souligné que la télévision publique donne la parole aux délateurs de Khaled Drareni sans permettre à ses défenseurs d'apporter une contradiction.
"Des médias participent à salir l'image et la réputation du journaliste, alors qu'il n'y a qu'une seule vérité : Khaled Drareni a été arrêté, caméra à la main", a-t-il regretté. L'avocat a indiqué qu'il avait proposé à Khaled Drareni de déposer plainte contre ses diffamateurs. "Il a refusé car il ne veut pas se rabaisser au niveau de ceux qui portent atteinte à son intégrité morale et à sa réputation."
Me Mostefa Bouchachi a rappelé que le directeur du site électronique Casbah Tribune et correspondant de TV5Monde a été arrêté quatre fois dans le cadre de l'exercice de son métier avant son incarcération en mars 2020. "À chaque fois, les services de sécurité lui demandaient pourquoi il couvrait les actes du Hirak et l'exhortaient à s'en abstenir à l'avenir.
Le 7 mars, il ne portait aucune pancarte et ne scandait aucun slogan. Il est sorti couvrir une manifestation de rue. Le dossier est vide. Il est harcelé car il ne fait pas l'apologie du système comme d'autres collaborateurs avec des médias étrangers. C'est une stratégie globale visant à casser le Hirak", a-t-il tranché.
Les avocats ont précisé que le pourvoi en cassation a été formalisé auprès de la Cour suprême avec le consentement du journaliste. "Nous sommes tous convaincus que la grâce présidentielle est accordée aux détenus coupables. Drareni est innocent.
La trajectoire peut être corrigée par une décision politique sous le couvert d'une procédure judiciaire, en lui consentant, au moins, la liberté provisoire", a affirmé Me Badi. "Une affaire politique appelle une décision politique", a complété Me Assoul, qui a informé que la défense usera de son droit d'introduire une demande de liberté provisoire tous les 45 jours, à partir de la date du prononcé de la sentence.
Les membres du collectif de défense ont rassuré, par ailleurs, sur son état de santé. "Il a, certes, perdu du poids, mais il a un bon moral et affronte sa situation avec courage et patience", ont-ils certifié.
Les trois avocats ont esquissé un tableau sombre de la situation des droits de l'Homme et des libertés en Algérie. "Nous sommes très inquiets quant aux libertés et à l'instrumentalisation des institutions de l'Etat, particulièrement la justice", a soutenu Me Assoul.
De telles appréhensions sont perceptibles dans les propos de Me Bouchachi. "Le régime utilise les appareils et les moyens de l'Etat pour réprimer et en découdre avec le Hirak. Nous lui demandons de réviser ses plans." Pour Me Badi, il est inconcevable d'abdiquer, "quelles que soient les pressions et la propagande du régime".
"Les politiques et les militants qui affrontent le pouvoir finiront par s'imposer", a-t-il pronostiqué. "Nous ne pouvons tourner la page de cette étape sans que l'Etat reconnaisse et présente des excuses sur les détentions abusives et les violations des droits humains", a-t-il poursuivi. "Le Hirak est notre seule arme pour aller vers une véritable démocratie", a conclu Me Bouchachi.

Souhila H.


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