Tribunal criminel
d'Oran. Mardi 21 juin. Posément, le bâtonnier Bouali
Omar, fidèle à son style qui tient en haleine la salle, poursuit sa plaidoirie
à la 1ère personne du pluriel comme pour faire corps avec son client, un ex-inspecteur
de la Conservation
foncière de la circonscription d'Aïn El-Turck, accusé de faux en écriture publique. Soudain, il
est interrompu par le président qui lui demande, poliment mais fermement tout
de même, d'abréger. Me Bouali prend mal cette mise au
point, à juste titre. « Je suis surpris. Très désagréablement surpris. Au début,
j'avais peur pour mon client (durant l'interrogatoire). Maintenant j'ai peur
pour moi-même. Il est clair que si je ne peux pas m'exprimer librement et sans
contrainte de chrono, je ne peux pas défendre mon client, qui encourt 10 ans de
réclusion si le tribunal suit l'avis du ministère public. Je ne suis pas là
pour dire deux, trois mots, ni pour défendre l'indéfendable. Mon rôle c'est de
concourir à l'action de la justice, de contribuer à la révélation de la vérité.
Je ne suis pas l'avocat de mon mandant, mais son conseil. » En des termes à
peine voilés, le magistrat s'en excuse et prie le bâtonnier de donner libre
cours à son plaidoyer. Ayant déjà irréversiblement perdu le fil conducteur de
ses idées, l'avocat boucle d'un ton amer son intervention, demandant
l'acquittement. Venons-en aux faits. Au box des accusés, B.R., ex-inspecteur
aux Domaines, circonscription territoriale d'Aïn El-Turck, et M.Ch., ex-DG des
Domaines de la wilaya d'Oran. Chef d'accusation retenu contre eux : faux en
écriture publique, conformément à l'article 215 du code pénal. Le dossier
revient après cassation. Au procès précédent, le premier mis en cause avait
écopé de 5 ans d'emprisonnement, le second avait été acquitté. Deux autres
coaccusés, une femme et son époux (non concernés par ce procès en appel), avaient
été jugés lors du premier procès : 2 ans de prison avec sursis pour la femme, l'acquittement
pour le mari. Au cÅ“ur de l'affaire, un bien foncier à usage d'habitation, situé
à Claire Fontaine, dans la commune d'Aïn El-Turck. Le 5 juin 2004, une certaine A. Kh, une émigrée, s'est présentée devant le parquet d'Aïn El-Turck pour déposer plainte
contre un couple qui occupait illégalement son logement, moyennant faux acte de
location délivré par l'OPGI. La plaignante s'est
prévalue d'un acte de propriété en bonne en due forme. Une information
judiciaire a été ouverte visant le couple mis en cause et toute autre personne
ayant concouru à cette escroquerie immobilière. Installée en France, la
plaignante avait été surprise de constater que le couple à qui elle avait prêté
sa demeure, presque gracieusement, avait « traficoté » un acte de bail établi
par l'OPGI, sur la base de quoi il avait réussi à
régulariser ce logement (cession de biens de l'Etat) en son nom, et ce, après
avoir indument réussi à l'inscrire, avec des
complicités au niveau administratif, comme étant un bien vacant de l'Etat. Cependant,
cette filouterie était entachée d'irrégularités qui sautaient aux yeux, parmi
elles, notamment le fait que le contrat de location établi par l'OPGI au nom de l'indue occupante T. Kh.
était daté de 1966… soit 2 ans avant la naissance de celle-ci ! Un par un, tous
les éléments à charge sur lesquels l'accusation a bâti la culpabilité des deux
responsables mis en cause seront réduits en poussière par Me Bouali dans sa plaidoirie. Sa ligne de défense s'est avérée
efficace puisqu'il réussira à convaincre juges et jurés que les deux accusés
étaient innocents. Aussi, le tribunal a prononcé leur acquittement.
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Posté Le : 22/06/2011
Posté par : sofiane
Ecrit par : Houari Saaïdia
Source : www.lequotidien-oran.com