Algérie

Un vrai phénomène de société



Na Fatty a 88 ans. Elle est presque aveugle et sourde comme un pot. A chaque fois que l'équipe nationale de foot joue, il faut la tenir au courant du résultat. Son petit-fils met ses mains en porte-voix et lui crie dans l'oreille ce résultat positif qu'elle appelle de tous ses v'ux. Bien sûr, Na Fatty a passé l'âge de défiler dans la rue avec l'emblème national, mais elle supporte l'équipe à sa façon : à chaque prière, elle ne manque jamais de demander à Sidhi Rebbi un petit coup de pouce aux petits Fennecs. Na Fatty, une exception ' Que nenni ! Des fillettes du préscolaire aux vénérables grands-mères qui ont connu l'âge de la lampe à huile, pratiquement toutes les femmes algériennes sont devenues accros au foot. Elles s'adonnent désormais à une passion que l'on croyait exclusivement masculine. Une véritable et toute fraîche révolution qui bouscule quelque peu des m'urs chloroformées. Il suffit de tendre l'oreille au passage d'un groupe de collégiennes, de lycéennes ou d'étudiantes pour comprendre qu'elles sont aussi « contaminées » que les garçons. C'est vrai que bien souvent elles ne font pas toujours la différence entre une touche et un corner, qu'elles confondent entre Coupe d'Afrique et Coupe du monde et qu'elles n'entendent encore rien aux mystères du 4-4-2 et du 4-5-1, mais elles vibrent tout autant que vous messieurs ! Etre profanes ne les empêche nullement d'être fans.On l'avait presque oublié, mais le foot n'est pas affaire de testostérone mais de c'ur. Devant le poste télé, elles gueulent et trépignent à chaque occasion manquée, se rongent les ongles chaque fois que l'équipe subit et sautent au plafond en renversant les verres de limonade lorsque le but arrive enfin. D'ailleurs, tout le monde l'aura remarqué, elles sont de plus en plus nombreuses à déserter le domicile conjugal ou parental pour défiler dans la rue à chaque victoire des Verts. Au diable les interdits ! Quand les camarades de Halliche livrent bataille, les femmes prennent désormais leurs dispositions pour être au rendez-vous devant le petit écran. Elles cuisinent plus tôt dans la journée et expédient rondement les tâches ménagères pour se rendre disponibles à l'heure du match. Les soirées foot réunissent désormais toute la famille et pas seulement la gent masculine. Ailleurs, comme dans les cités universitaires, on se bouscule devant les écrans géants, on se pare de fanions et de drapeaux et on se peinturlure le visage en donnant de la voix. « Allez les Verts ! » La bande à Saâdane, ce n'est pas seulement des joueurs qui gagnent des matches sur le terrain. Ils sont devenus des icônes pour tout un peuple. Des héros qui, dans le c'ur de ces dames et de ces demoiselles ont remisé au placard Mohind, le fameux acteur turc devenu en quelques feuilletons l'archétype même du prince charmant. Ils ont également réussi l'exploit de détourner les femmes des sempiternels navets du Nil dont l'ENTV s'est servie pour gaver des générations d'Algériennes au point de leur faire prendre pour modèle de mari idéal le paysan de Basse-Egypte le plus fruste. On raconte que depuis toujours, en Afrique du Nord, quand les hommes vont combattre, les femmes les suivent de loin pour les encourager. Leurs youyous les galvanisent littéralement. Il est peut-être temps de leur ouvrir les portes des stades.


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