Un voyage au bout de soi-même

Autobiographique, le texte publié aux éditions Necib est le récit de l'extraordinaire aventure de ce "Magellan algérien", qui consignera pendant trois ans, à partir de 1969, ses pérégrinations autour du monde.Les éditions Necib viennent de publier un ouvrage assez particulier sur la soif de liberté et de découverte d'un jeune Algérien au sortir de la Guerre d'Algérie. Intitulé Le tour du monde d'un jeune algérien, le texte se lit comme un journal intime écrit à partir de 1969 par Soumati Karim, âgé alors de seize ans.
Il y narre son "tour du monde" dans les conditions sociales de l'Algérie d'alors. Autobiographique, le texte est le récit de l'extraordinaire aventure de ce "Magellan algérien", qui consigne ses pérégrinations dans un journal qu'"il tient d'un bout à l'autre de son périple planétaire", écrit dans sa préface le professeur Youssef Nacib, sociologue, écrivain et spécialiste de la littérature amazighe.
Plus qu'un guide touristique, Le tour du monde d'un jeune algérien est "un survol historico-ethnographique remarquable sur les cultures des nations traversées. Le livre nous décrit les croyances, les coutumes, le passé, le vêtement traditionnel, la gastronomie, la sociabilité...", poursuit Nacib.
En cette fin des années soixante, Soumati n'a qu'une idée en tête, celle de parcourir le monde et découvrir d'autres cultures, d'autres personnes, d'autres visions du monde. Ce n'est nullement une décision hâtive, mais au contraire mûrement réfléchie et son plan déjà élaboré.
Le voyage durera un peu plus de trois ans. Vendredi 18 juillet 1969, le fils de chahid quitte le cocon familial muni d'une ASTN (autorisation de sortie du territoire national) à destination de Marseille. Il écrit sa première page dans cette ville, point de départ de son aventure incroyable. En fait, l'idée de ce voyage remonte à l'enfance, mais par peur de "paraître ridicule", note-t-il, Soumati tait son dessein, mis à part quelques confidences faites à Kader, le doyen de la famille.
Ce dernier encourage le jeune Karim : "Tu dois chercher ton propre chemin. C'est à toi de comprendre qu'il n'y en a pas trente-six mais seulement deux : la route qu'on ouvre pour toi est celle que tu choisiras toi-même." Et l'avenir donnera parfaitement raison, puisque notre auteur se découvrira une passion pour l'aviation, qui deviendra son métier, au bout de ce merveilleux périple.
France, Suisse, Allemagne, Turquie, des rencontres inoubliables et des souvenirs partagés avec des jeunes d'autres nationalités plus tard, il côtoie des mondes et des mentalités différentes de la sienne. Mais c'est cela au fond qu'il est venu chercher. L'altérité dans la dissemblance et la tolérance. Il cite pour exemple sa rencontre avec des hippies en Turquie, malgré le mode de vie différent du sien, il écrit : "J'aime cette compagnie, sans être comme eux."
L'aventure continue ensuite du côté de l'Asie ; Soumati traverse l'Irak, l'Iran, l'Inde, l'Indonésie, le Pakistan, y découvre le mode de vie de ses habitants, les lieux historiques, la gastronomie locale, et déconstruit les a priori sur ces pays.
Du Pakistan, il dira : "Il y a à peine une année, je ne connaissais rien du Pakistan. Les étrangers avec qui j'ai discuté ne l'aiment pas, parce qu'il est sous la coupe d'une dictature militaire corrompue et que la religion musulmane prône l'intolérance (...) Dommage pour ce pays, moi j'en garde un bon souvenir." En Australie, il découvre le brassage des cultures à travers l'union d'un Algérien et d'une Allemande.
À Taïwan, il est frappé par la modernité d'un ce pays en ruine vingt-cinq années auparavant. Au bout de toutes ces aventures, Soumati a pu découvrir l'Autre, mais aussi lui-même, ses forces, ses faiblesses et son incommensurable soif de liberté.

Yasmine AZZOUZ