Algérie

Un vote de confiance



C'est un Président qui a retrouvé la pêche, les accents et l'art de haranguer les foules que le peuple algérien a découvert jeudi, lors du discours que Bouteflika a prononcé à Oran, à l'occasion du double anniversaire de la création de l'Union générale des travailleurs algériens (UGTA) et de la nationalisation des hydrocarbures. On le disait fini, fatigué, évitant autant que faire se peut les discours publics comme il les affectionnait. Voilà qu'il surprend son monde en s'affichant dans une forme qui n'avait certes rien à voir avec ses époustouflantes performances passées, mais qui laissait transparaître tout de même une certaine énergie, retrouvée comme par enchantement à la veille des prochaines élections législatives, galvanisant l'homme et lui procurant une espèce de seconde jeunesse.On ne l'attendait pas battre campagne en occupant physiquement le terrain, mais plutôt déléguer ses pouvoirs ? comme il le fait maintenant depuis plusieurs mois ? à ses proches collaborateurs qui interviennent en son nom par le biais de discours écrits lors d'événements marquants. Depuis le dernier Conseil des ministres, le président Bouteflika s'est puissamment investi dans la campagne électorale en se lançant, en diverses occasions, dans un vigoureux plaidoyer pour une participation massive des citoyens au prochain scrutin en vue d'élire un Parlement représentatif, à la mesure des enjeux qui interpellent le pays. Lors de son discours de jeudi à Oran, Bouteflika s'est livré à une analyse géostratégique de ce rendez-vous électoral en le situant dans le contexte de crise et des convulsions politiques majeures qui secouent notre région.
A bien décoder son discours, ce qui semble vivement préoccuper Bouteflika, ce n'est pas tant ce saut de l'Algérie dans l'inconnu que prédisent les observateurs avec l'arrivée des islamistes au pouvoir dans le sillage des Révolutions arabes. Sa seule hantise, c'est que le taux de participation électorale ne soit pas élevé pour crédibiliser le scrutin, mais surtout pour donner, par ricochet, une légitimation politique à son ou à ses mandats successifs. C'est une sorte de plébiscite de son règne qu'il attend par-dessus tout des électeurs en les invitant à se rendre massivement aux urnes. Le scrutin prend, à ses yeux, des allures de référendum populaire. Un argument politique dont il compte se servir comme solide armature pour faire face aux pressions extérieures, exercées jusqu'ici sous une forme diplomatique sur le pouvoir algérien.
Bouteflika, qui aura été le seul chef d'Etat de la région à avoir été épargné par le tsunami du Printemps arabe, sait qu'il est en sursis et qu'il doit donner à l'extérieur ? la secrétaire d'Etat américaine Hilary Clinton est attendue aujourd'hui à Alger ? des gages politiques pour passer ce cap difficile. Et la meilleure garantie, c'est cette participation électorale massive qu'il voudrait opposer comme une cinglante réponse à ceux qui militent pour une rupture radicale avec le système en place. En comparant le prochain scrutin au 1er Novembre 1954 ? les martyrs et les moudjahidine auront certainement apprécié ce raccourci politique pour le moins outrageant à l'histoire ? Bouteflika donne toute la mesure de la fragilisation du pouvoir. En engageant sa crédibilité dans la campagne pour la participation électorale, il sollicite, d'une certaine manière, un vote de confiance populaire pour conforter sa légitimité à l'intérieur, mais surtout à l'extérieur. Une arme à double tranchant.


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