Algérie

Un vendredi, trois images



La première. Contrairement à ce que pourrait nous suggérer la véhémence de toutes leurs entreprises, les islamistes n'ont pas le goût du risque. C'est le pays qu'ils ont toujours voulu entraîner dans l'aventure, ce ne sont pas eux, les? aventuriers. Ils savent quand ils doivent faire le dos rond, à quel moment hausser le ton et dans quelles conditions lancer l'offensive. Depuis le début de la révolution, ils ont évalué leur poids et compris que son exposition sera fatale à ce qui leur reste encore pour entretenir leur existence. Obligés de se fondre dans la foule et parfois d'intégrer certains mots d'ordre en se faisant violence, ils se sont tus ou ils ont? mis de l'eau dans leur vin. Comme pour lors de la mort d'Abassi Madani où ils ont été obligés d'insister sur son passé de moudjahid plutôt que de revendiquer « l'ensemble de son ?uvre » et mettre son projet dans la bouche de si peu de monde. Plus tard, il y a bien eu quelques velléités de tirer la couverture de la révolte vers le discours islamiste. Mais le rachitisme du nombre, le manque de conviction dans le slogan et parfois le ridicule de l'accoutrement n'ont trompé personne. Comme ce vendredi, ça se voyait à l'?il nu que le fil qu'ils avaient à la patte ne mène pas forcément là où on croit. Le «dawla islamia» étouffé par une tempête de «djazaïr horra dimoqratia», ils sont partis, la queue entre les jambes, comme qui dirait.La deuxième image. On disait que la foule des manifestants exprimait un ras-le bol sans lisibilité, sans trajectoire et de ce fait, elle était incapable de revendiquer des combats antérieurs au soulèvement qui puissent l'installer dans un projet. L'essentiel des mots d'ordre portés par le mouvement, la banalisation positive de l'emblème berbère, puis la colère, la solidarité et l'émotion exprimée après la mort de Kamel-Eddine Fekhar ont fini par rassurer. Les immondes étiquettes collées au militant du M'zab comme l'incapacité supposée du mouvement à faire siennes des revendications comme les libertés et les droits de l'Homme ont vécu.
La troisième et dernière. Une image de confirmation. Il faut dire que, dès le départ, il n'y avait pas grand monde pour croire, encore moins pour clamer sur les pavés qu'on attendait de Gaïd Salah qu'il donne un sens à la révolution. L'idée était plutôt dans l'acquit de conscience puisqu'il prétendait que l'armée allait «accompagner» le peuple dans ses revendications.
Les Algériens étaient de plus en plus sceptiques, avant d'en avoir le c?ur net : c'est dans? ses revendications à lui qu'il veut accompagner le peuple. Et la rue le lui dit à chaque marche un peu plus clairement que la précédente.
Ce vendredi, c'était encore le cas, avec cette réplique directe qui va à l'essentiel : personne ne nous détournera de nos objectifs, comme vous le dites. Vous, non plus !
S. L.


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