Algérie

Un symbole dans la routine



Un symbole dans la routine
Sur un plan purement symbolique, la coïncidence vécue hier par l'Algérie ressemble à une éclipse solaire, moins la peur et l'angoisse que cette dernière inspire. C'était un vendredi placé sous le signe, divin, de la terre. Une terre méditerranéenne d'Algérie qui a ramené dans son giron, son sein nourricier, deux grandes figures, de la littérature pour l'une, et du cinéma pour les deux. Gê, c'est la divinité que tous les cruciverbistes, impatients devant leur grille de mots croisés, doivent trouver. Gê, appelée aussi Gaïa, un prénom de retour en Algérie depuis quelques décennies. Une divinité parmi beaucoup d'autres chez les très anciens Grecs, mais une divinité de la Terre- nourricière, qui donne naissance à tout et y veille.Assia Djebar, la romancière académicienne lue dans le monde entier, et Roger Hanin (à l'origine El-Hanine), acteur et comédien emportant sur tous les plateaux et planches un bout de sa Casbah natale, sont retournés hier à cette Terre-mère d'Algérie en léguant un message fort, et pas seulement aux Algériens : par-delà et au-dessus des vicissitudes et déchirements de l'histoire, la fraternité et l'humanisme comme valeurs en partage sont plus forts et ont un droit de prééminence. Ils le savaient de leur vivant et les ont intimement mêlées à leurs ?uvres de créatifs hors du commun. L'une, née musulmane sous le statut de l'indigénat colonial et l'autre, que le fameux et scélérat Décret Crémieux n'a pas réussi à couper entièrement de ses racines, sont réunis depuis hier, pour l'éternité, sous le même humus d'une terre qu'ils ont intensément aimée, célébrée et prémunie des souillures revanchardes.Au cimetière israélite de Bologhine, ex-Saint-Eugène, Roger Hanin est au pied de Notre-Dame d'Afrique, autre symbole parlant, et à quelques encablures seulement des plages méditerranéennes de son enfance. Assia Djebar, dans sa dernière demeure au cimetière de Cherchell, repose à la verticale du Mont Chenoua dont elle a chanté la bravoure et le courage des femmes. De la mer toute proche, lui parviendront une brise et des effluves chargés d'iode et d'une histoire, la même qui a inspiré toute une littérature en prise avec un réel de fraternité balançant entre la douleur et l'impossible. Avant elle, Emmanuel Roblès, Mouloud Feraoun, Albert Camus, Mohamed Dib, Jules Roy et d'autres encore avaient tous la plume trempée dans les montagnes, les plaines et les rivages d'un pays à forte densité historique et civilisationnelle.Qu'en est-il resté aujourd'hui ' Des liens pas complètement ramollis, c'est indéniable. Mais aussi le revers d'une médaille qui pouvait encore briller pour la prospérité. Ce que Roger Hanin et Assia Djebar se sont dévoué corps et âme à maintenir vivant a connu la patine du temps et la flétrissuredes mémoires. De l'autre côté de la Méditerranée, des voix assassines, tueuses de fraternité et d'humanisme se sont injustement imposées dans le paysage éditorial. Eric Zemmour, originaire d'Algérie lui aussi, est à mille lieues de l'idéal de fraternité de Roger Hanin. Thuriféraire et nouvel idéologue de la droite raciste, revancharde et islamophobe, il n'a qu'un seul rêve : détruire les passerelles et les ponts que des hommes et femmes de conviction ont bâtis patiemment. Zemmour n'a pas d'?uvre littéraire, juste un pamphlet haineux (Un suicide français) qui a pulvérisé tous les records d'édition. Michel Houellebecq, un autre écrivain de la même engeance, distille la peur et connaît le même succès. Dans son dernier livre, Soumission (à l'islam, bien entendu), il voit à la tête de la France de 2022, un président de la République portant un nom qui, à lui seul, est son programme : Mohamed Belabbes. Dans une Europe ébranlée par une crise économique propice à l'éveil de tous les sentiments de rejet, Soumission est en tête des ventes en France, Italie et Allemagne. C'est dire...A. S.




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