Algérie

UN SPECTACLE SOUS LES SONS DE HOURIA AICHI Le chorégraphe Abou Lagraâ veut réconcilier corps et religion



C'est une création sensuelle et militante que présente en tournée en France le chorégraphe français d'origine algérienne Abou Lagraâ avec El Djoudour ( Les racines), ballet sur les rapports entre hommes et femmes dans la culture musulmane qui dessine un rapport à l'autre pris entre conflit et désir.
Séparation, lutte puis finalement réunion : au fil du ballet, les corps des 14 danseurs se retrouvent, s'entrechoquent et se mélangent au rythme des chants des Aurès interprétés par l'Algérienne Houria Aïcha. «Je voulais montrer aux musulmans qu'il est possible de se toucher, de transgresser la règle», raconte le chorégraphe né en Ardèche en 1970. «Petit, j'avais envie de me mélanger, mais notre culture ne le permettait pas. Je voulais montrer que c'était possible.» Il a embarqué dans cette mission sept danseurs et sept danseuses dont les corps racontent cette frustration. Torturés les uns par les autres puis caressés par ceux qu'ils ont combattus, ils évoluent sur un plateau nu, recouvert peu à peu d'eau et de terre, jetées en de grandes gerbes par les danseurs. Les artistes choisis par le chorégraphe, venus de ses deux compagnies, la Baraka fondée en 1997 à Lyon et le Ballet contemporain d'Alger, né en 2010, interprètent brillamment sa partition. «J'avais besoin de très fortes personnalités capables d'encaisser ce processus de création, des hommes et des femmes qui avaient les épaules. D'ailleurs, certains d'entre eux viennent de deux pays, et on retrouve cette bivalence dans leur corps», explique le chorégraphe. «Je leur ai parlé de mon histoire personnelle, de la frustration de ne pas pouvoir être dans les mêmes espaces que les femmes, des souvenirs du hammam avec ma mère, dont j'ai été interdit à six ans, parce que je commençais à ne plus regarder les femmes de la même façon», ajoute-t-il. Ses souvenirs, il les puise dans les trois mois passés chaque année en Algérie quand il était enfant, «un mois en ville, un mois à la campagne et un mois dans le désert». «Mes racines, je les connais par cœur. Mais j'ai eu la chance de danser très jeune, de pouvoir m'en libérer», explique celui qui entend, par cette ode «aux racines qui nous rassemblent, qui nous mélangent », dire aux musulmans que «l'on n'a pas besoin de se séparer». Après les premières représentations à Aix dans le cadre de l'année Marseille- Provence 2013, le chorégraphe et ses danseurs s'apprêtent à voyager de longs mois avec cette nouvelle création, en tournée en France jusqu'à avril, puis représentée à Amsterdam en juin. Début mai, le ballet sera donné en Tunisie à l'occasion des rencontres chorégraphiques de Carthage. «Il nous faut absolument aller dans les pays musulmans », affirme Abou Lagraâ, qui ira ensuite montrer ces corps libérés à Alger.


Votre commentaire s'affichera sur cette page après validation par l'administrateur.
Ceci n'est en aucun cas un formulaire à l'adresse du sujet évoqué,
mais juste un espace d'opinion et d'échange d'idées dans le respect.
Nom & prénom
email : *
Ville *
Pays : *
Profession :
Message : *
(Les champs * sont obligatores)