Algérie

Un spectacle fourre-tout



Spectacle festif, inspiré des aventures du célèbre héros de littérature enfantine, Pinocchio, a satisfait, samedi, son public juvénile.lors de sa générale.
Forcément, sachant la rareté des spectacles vivants en sa direction, ainsi que l'irrépressible besoin de l'enfant de nourrir sa vie fantasmatique, ce qui lui fait malheureusement tout agréer. N'est-il pas la seule catégorie de public qui vient nombreux en salle et qui paie sa place ' Le TRO sait cette vérité, puisque c'est avec ce public que son activité théâtrale est d'un réel rapport pour ses recettes.
C'est dire si le critère relatif à la bonne réaction du public, un justificatif avancé par certains laudateurs de Pinocchio, n'est pas pertinent. Reconnaissons cependant à Kada Bensmicha, l'adaptateur-metteur en scène, d'avoir indiqué à quelques interlocuteurs qui l'ont approché avant la représentation que son spectacle ne relève pas du théâtre de marionnettes, contrairement à ce qui a été annoncé à la presse en juillet dernier. Mais ajoutons après lui qu'il n'est pas non plus du théâtre pour enfants. Il tient en fait vaguement des deux.
Or, dans les deux genres, Bensmicha nous a habitués à bien mieux, d'aucuns lui reconnaissent d'être l'un des meilleurs marionnettistes algériens, ces derniers se comptant d'ailleurs sur les doigts des deux mains et dont une partie est de sa ville, Sidi Bel Abbès. Mais alors, qu'est-ce qui peut rebuter le puriste dans sa création ' D'avoir usé d'un mix de deux genres qui ne satisfait ni aux exigences de l'un ni de l'autre, au point d'avoir au final versé dans le spectacle d'animation.
S'il est évident que nul n'est en droit de contester son choix, il n'en est pas moins vrai que cela ne sied pas à un théâtre de renom, dont la mission est de promouvoir le 4e art. Ne convient-il pas de laisser l'animation et l'amusement en direction des enfants à d'autres institutions qui ont en la charge ' De ce point de vue, on peut regretter que le TRO ne traite pas les enfants avec la même exigence qu'il a envers les adultes.
Il fait montre d'une propension à réaliser le buzz en leur direction en les attirant à renfort de spectacles récréatifs animés par des clowns. Dans Pinocchio, les clowns y sont également. Mais ce qui gêne surtout, c'est que ce spectacle n'est soutenu ni par un conflit ni par une intrigue bien charpentée avec des personnages bien dessinés.
Par ailleurs, si les marionnettes à fil et les marottes de Bensmicha sont jolies, très colorées, non sans originalité, contrairement à celles informes faites en éponge et qui peuplent l'écrasante majorité des spectacles de marionnettes en Algérie, elles ne sont que de chatoyantes poupées. En ce sens, elles n'expriment rien par elles-mêmes, contrairement aux marionnettes. C'est seulement par la parole qui leur est prêtée, qu'outre leurs intentions, s'expriment leurs affects, jamais par leurs postures, leurs gestuelles ou leurs mouvements.
Leur parfois durable statisme, ainsi que leurs gesticulations débridées à d'autres moments sont non signifiants au plan de l'expression. Autre facilité, les dialogues sont en play-back, ce qui annule toute spontanéité, les marionnettistes derrière le castelet sont réduits au rôle d'agitateurs de poupées plutôt que de manipulateurs. Cette manière de faire peut, à la limite, se justifier dans une cours de récréation d'école face à un public braillard, mais pas dans un espace où toutes les conditions professionnelles d'une représentation sont réunies.
Par ailleurs, ce qui tient lieu de prétexte au spectacle est d'une puérilité confondante, la niaiserie et l'infantilisation étant en général une caractéristique de ce qui se fait en direction des enfants de notre pays. A titre indicatif, cette faiblesse remonte au milieu des années 1970, lorsque le TRO, en précurseur, s'est lancé dans le théâtre pour jeune public.
Ses promoteurs, à leur décharge armés de la foi du charbonnier, ont cru devoir s'informer sur la psychologie de l'enfant (on parlait même de psychopédagogie) comme dans la perspective de prodiguer un enseignement, tant l'enjeu pour eux était de présenter des spectacles édifiants. Comme si l'exposition du jeune spectateur à la beauté et au plaisir n'était pas elle-même source de structuration. Il a été ainsi perdu de vue qu'un artiste a à créer à partir de son statut.
N'est-il pas doué d'une intelligence sociale qui fait qu'il est bien plus armé que quiconque dans sa relation avec un public ' Un meddah, une grand-mère, ont-ils eu besoin d'étudier la psychologie de leurs publics respectifs pour les captiver ' Au final, depuis l'expérience du TRO largement reprise, et avec la montée en puissance du conservatisme et de la bigoterie, la démarche qu'il a initiée s'est négativement potentialisée. Exit l'humour, la poésie, la fantaisie. Tout devait être lisse.
Adieu en conséquence le théâtre, lieu du conflit par excellence. Ainsi, à force de se censurer, et pour éviter le décrochage du public toutes les 5 minutes, c'est le recours obligé à la musique et à la chanson à force décibels. Pinocchio n'a pas échappé à ce procédé de mauvais aloi. Dommage, bien dommage ! Mourad Senouci, qui depuis sa nomination à la tête du TR Abdelkader Alloula a indéniablement apporté un air de jouvence à cette institution, serait bien inspiré de revoir sa copie en matière de théâtre pour jeune public. Il ferait ?uvre utile.


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