Algérie

Un site en quête de protection et de classement



L'île est menacée par le tourisme anarchique, surtout entre le début juillet et le début septembre, là où le site est accessible au débarquement suite à l'état favorable de la mer. Plus grave, le camping sauvage, le piétinement de la végétation et les déchets sont les principales menaces sur le fragile écosystème insulaire.L'île des Pisans, un petit site de 1,4 ha, est visible depuis le village Adrar Oufarnou, qui surplombe le littoral ouest de Béjaïa. Mais aussi depuis la route à partir de Tazeboudjt. La petite île fascine et ne laisse pas indifférent le visiteur. Pour s'y rendre, une embarcation, petite ou grande, est impérative. Pourtant, de jeunes téméraires, âgés de 18 ans et plus, ont pu y arriver à la nage. Ils se nomment Smaïl, Mourad, Hakim et Djamel. Ils ont réussi la prouesse d'atteindre cet "îlot" distant d'un peu plus de 10 km... à la nage.
En arrivant sur la petite île, ils n'en croyaient pas leurs yeux. Les personnes, arrivées sur un hors-bord, leurs avaient proposé de les reconduire. Sans même se concerter, ils ont répondu, se souvient Smaïl : "Non, merci. On se reposera le temps qu'il faut mais on regagnera la plage à la nage." Nanmoins, ils ont accepté volontiers les sandwiches, les fruits et l'eau offerts.
Au retour, ils regretteront amèrement d'avoir décliné l'offre des plaisanciers : "On a souffert le martyre. Les crampes se sont invitées tellement on était fatigués. Il était 16h lorsqu'on a gagné la plage de Boulimat. Djamel, qui avait gardé nos affaires, était au bord de la crise de nerfs, se remémore Smaïl. Il était mort d'inquiétude." Mais leur arrivée sur la plage a été saluée par les estivants, admiratifs de l'effort accompli par des garçons un peu fous.
Rachid, un prof de français à la retraite, a relaté que les élèves d'une école primaire d'Amtik n'Tafat sont partis à Djerba ? que certains appellent Boulimat, hormis les habitants locaux ? dans le cadre de l'école. Nous sommes au milieu des années 1950. L'instituteur accompagnateur a tout prévu sauf l'impensable. Dès qu'ils sont arrivés, les chérubins ont ôté dans la précipitation leurs habits et couru vers la mer. Une mer déchaînée, raconte Rachid.
"L'un des élèves a été emporté par le courant. Et le pauvre instituteur ne pouvait rien faire. Le temps qu'il réalise ce qui se passait, le gamin était noyé. Je crois même qu'ils étaient deux." La petite île avait une autre fonction au siècle dernier, témoigne Bachir, 73 ans. Les paysans de la région y mettaient en quarantaine leur cheptel malade. En effet, à bord d'embarcations, ils emmenaient leurs troupeaux malades qu'ils laissaient sur l'île pendant 40 jours. À la fin de la mise en quarantaine, ils se rendent pour récupérer les plus coriaces des animaux. "Elle avait donc une fonction que personne ne pouvait imaginer maintenant", explique Bachir.
On apprend par ailleurs du Pr Riadh Moulaï, du laboratoire de zoologie appliquée et d'écophysiologie animale à la faculté des sciences de la nature et de la vie de l'université de Béjaïa, que l'île avait servi de lieu de repli et d'ermitage à Nacer Ibn Al-Anas Ibn Hammad lorsque lui avait succédé son fils Al-Mansour. Il affirme en effet que "c'est sur cette île historique que la légende veut que le sultan En-Nacir, fondateur de la nouvelle capitale hammadite, a longtemps vécu en ermitage, jusqu'à la fin de ses jours". Aussi, face à cet intérêt patrimonial pour la région et pour la nation, l'île des Pisans de Djerba mériterait, selon lui et les membres de l'association Nemla, à sa tête Mme Hassissene et Smaïl, son époux, "d'être protégée et conservée".
Cette dernière est menacée, déclare-t-on avec insistance, "par le tourisme anarchique, constaté surtout entre le début juillet et le début septembre, là où l'île est accessible au débarquement suite à l'état favorable de la mer". Plus grave, le camping sauvage, le piétinement de la végétation et les déchets sont les principales menaces sur le fragile écosystème insulaire, dénonce-t-on encore.
Occasion pour Pr Moulaï de plaider pour que "les îles algériennes, vu leur rareté, pourraient être classées comme des unités paysagères particulières (UPP) comme le sont les gueltas dans le Sud algérien. Elles pourraient ainsi avoir un statut particulier dans le cadre de la conservation des espaces naturels. Vu les bénéfices qu'elles procurent ? laboratoire à ciel ouvert, rôle pédagogique et scientifique ? elles peuvent même jouer un rôle non négligeable dans le développement durable dans le cadre de circuits écotouristiques." Ils disent avoir bon espoir de voir aboutir leur projet, celui de voir l'île des Pisans bénéficier d'une protection et d'un classement, vu qu'elle est intégrée dans la zone centrale du projet de l'aire marine protégée du Parc national de Gouraya. Mais le classement en tant que tel tarde à venir.

M. OUYOUGOUTE


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