Algérie

Un savoir à préserver et à transmettre



La caractéristique principale d'une production littéraire de type oral est d'être à la fois d'un niveau de langue soutenu et d'une diversité étonnante à l'intérieur même d'un pays.En Algérie, il y a une littérature orale propre à l'Algérois, au Constantinois, à l'Oranais à chaque espace d'expression du Sud. Ainsi, chaque région donne à constituer des recueils de poésies populaires, de contes, de légendes et proverbes anciens, et il en existe pourTiaret, Tlemcen, Alger, Ouargla. C'est une ?uvre de longue haleine que de sauver de l'oubli par l'écrit des productions populaires de toutes les régions qui en recèlent par milliers qui devraient être normalement décryptées pour leurs références identitaires.
Un patrimoine oral à sauvegarder
Il est porteur de marques historiques en tant qu'ensemble de productions étalées sur des siècles et constituant des sources de références du point de vue langue et contenu de textes traditionnels dont les plus anciens sont anonymes. C'est tout le savoir oral devenu scripturaire qui serait mis au service de tous. Ce savoir d'une valeur incommensurable est constitué d'une accumulation d'expériences individuelles et collectives sur la vie sociale, religieuse, ainsi que sur les traditions artisanales et agricoles, les métiers anciens comme celui des maîtres d'école, de marchand, d'éleveurs d'abeilles ou de bétail.
Tous les domaines d'activité qui furent autant de sources d'inspiration ont servi de support pour les récits poétiques, légendaires, fictifs, mythiques. Contrairement aux points de vue des spécialistes, ethnologues qui considèrent que les mythes comme les chansons de geste émanant de la cosmogonie et de l'histoire, tout ce qui est littérature populaire relève de l'oralité au sens que genre littéraire est bien plus complexe qu'on ne l'a pensé. Mais pour certains, elle est à distinguer du savoir paysan qui englobe pour Fanny Colonna l'ethnobotanique, la médecine, le mythe ou la chanson de geste. En réalité, on ne doit pas faire de distinction entre oralité et savoir paysan, étant donné que la littérature orale est composée dans la langue des paysans.
La littérature orale comme système
Qui dit système dit organisation dans toute production orale. Le mot vient de Levi Strauss qui s'est intéressé au travail de Propp consacré à l'analyse du conte populaire qui, quel que soit le pays d'origine, comporte le même nombre de fonctions ne dépassant jamais 31 et de personnages au nombre de 7. Il y a de quoi réflchir longuement pour en tirer des leçons. Pour Propp, il n'y a pas de cloison entre conte et mythe, il existe une complémentarité entre les genres, comme il n'y a point d'antériorité entre l'un et l'autre. Les spécialistes dans le domaine considèrent que le conte et le mythe sont deux pôles entre lesquels se situent toutes les catégories narratives de l'oralité, qu'elles aient été composées poétiquement ou autrement. Fanny Colonna s'appuie sur les travaux de Desparmet, professeur de lycée en Algérie, devenu agrégé d'arabe à la première moitié du XXe siècle et qui s'est intéressé à l'oralité en Algérie ainsi qu'à sa résistance par les langues du pays face à la conquête française.
Desparmet a constitué des corpus de divers genres oraux, à vocation politique, ethnologique ou autre. Ces collectes ou recueils réalisés par cet arabisant d'assez bon niveau, s'apparentent aux ouvrages élaborés par tel ou tel étranger sur des régions données comme «Contes et légendes de Tiaret», dont le nom d'auteur nous a échappé, ou Dujardin qui a écrit sur les contes de la Kabylie ancienne. Fanny Colonna considère le travail de Desparmet comme sauvage parce que non fondé sur l'étude des systèmes d'organisation des genres, une catégorisation avec les spécificités de chacun des types de textes oraux, comme l'ont fait d'autres, à l'exemple de Levi Strauss. Mais Desparmet a eu beaucoup de mérite, celui d'avoir été agrégé d'arabe alors qu'il ne connaissait rien dans cette langue, étant venu de France en Algérie pour faire de l'enseignement. Son mérite a été aussi d'avoir recueilli tout ce qui est productions orales : poèmes à connotations politiques, chansons de rues, poèmes épiques, proverbes.
Concernant ces recueils, Fanny Colonna les considère comme un travail de récupération non suivi d'une étude diachronique et synchronique, l'une par rapport aux origines, l'autre ce qu'ils signifient dans un temps donné. On s'étonne aussi de la disparition des mythes ou de leur existence sous forme implicite dans les énigmes, les proverbes, les rites qui accompagnent la construction d'une maison. Pour marquer la relation orale et scripturaire, une série de questions a été posée à bon escient : la littérature écrite a-t-elle emprunté à l'orale, l'inverse a-t-il été possible ' On répond par l'affirmative dans les deux cas en insistant sur le fait que l'écriture est dominante. De quoi parle la littérature orale ' Tout ce qu'on peut dire, c'est que la littérature orale produite sous différentes formes est à considérer sur la base de la relation entre signifiants et signifiés, en d'autres termes entre contenants et contenus.
On peut dire que dans les mythes considérés comme signifiants, il y a parmi eux les signifiés de la culture et de l'histoire. On ne peut pas dire que la littérature orale est un métalangage sans lexique, alors que c'est le choix dans le lexique qui fait le métalangage lorsqu'on veut dire quelque chose sur la société. La littérature orale, quelle que soit sa qualité, ne traduit pas en totalité la réalité. Elle ne dit pas tout parce qu'elle est incapable d'être le miroir du savoir d'un groupe social dont elle émane. Bien des gens ont essayé de collecter des textes supposés être les plus représentatifs d'une société, ils n'ont pas réussi à accéder à tout le réel, les réactions individuelles, les états d'âme de chacun. Les textes poétiques inspirés par la conquête coloniale n'ont pas donné toute l'intériorité des individus composant la société. Levi Strauss dit que tout message mythique ou à fonction mythique dit quelque chose sur la nature des rapports sociaux.


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