Algérie

Un salaire de misère pour un travail à haut risque



«Les P-V par milliards et la paie avec quelques dinars.» L'auteur de cette réflexion aurait pu ajouter les risques en plus s'agissant du contrôleur du commerce.Explication. Une jeune femme titulaire d'un master 2 en droit (bac+5), qui est inspectrice principale de la répression des fraudes assermentée depuis 10 ans à la Direction du commerce de la wilaya de Boumerdès (DCWB) et qui a récemment dressé un P-V, légal et justifié, à un commerçant pour défaut de factures concernant des marchandises (saisies) d'une valeur de 12 milliards de centimes, doit toucher un salaire consistant qui la protège. C'est ce que le commun des mortels doit penser. Ce commun des mortels verra faux. Cette inspectrice principale, en plus de son rôle qui consiste à veiller sur les bonnes pratiques commerciales, participe également à la protection de la santé des consommateurs et un tant soit peu du pouvoir d'achat des citoyens ne touche finalement ? en 2019 ? que 32 000 dinars nets par mois. Sa collègue titulaire d'un DEUA (Diplôme des études universitaires appliquées) équivalent à master1 (bac +3), enquêtrice assermentée depuis 10 ans touche, quant à elle, primes comprises, moins de 29 000 dinars, plus exactement 28 800 dinars. C'est le cas de tout le monde. Leur chef de service n'est pas mieux loti ; salaire net 45 000 dinars.
Ces fonctionnaires et leurs collègues de la Direction, des inspections locales et des ports secs, nous les avons rencontrés alors qu'ils observaient, à l'appel de leurs représentants des deux syndicats (Snapap et UGTA) un sit-in de protestation ? le 6 sixième depuis janvier 2019 ? pour dénoncer leur situation sociale et le manque de moyens leur permettant d'accomplir convenablement leur mission. Faut-il rappeler que ces fonctionnaires que la vox populi appelle communément les contrôleurs de commerce sont exposés à des pressions multiples voire des agressions. Dernièrement, deux d'entre eux ont été accusés d'agression physique et de tentative corruption par un commerçant de Thénia chez lequel les deux agents avaient relevé des infractions aux lois commerciales. Les deux agents ont été entendus par les services de sécurité sur la seule déclaration de ce commerçant. Il faut dire qu'en termes de saisies des marchandises en circulation illicite et les amendes infligées aux contrevenants, les contrôleurs de la wilaya de Boumerdès réalisent annuellement plus de 250 milliards de centimes. Il y a de quoi soulever la rage de certains spéculateurs et fraudeurs. Sur les sommes recouvrées, les services de la justice qui les collectent prennent 7%.
Les services des Impôts et du Trésor prennent également leur part. Le reste est versé au compte de l'Etat. Dans ce partage, les directions du commerce du pays ne prennent rien. «Nous sommes les initiateurs de la répression contre la fraude. Nous protégeons l'Etat et les consommateurs. De plus, nous prenons des risques quand nous saisissons les marchandises ou quand nous infligeons des amendes.
Or, l'argent collecté nous passe sous le nez alors que la justice qui ne fait que collecter les montants des amendes, les services des Impôts et du Trésor qui ne font que comptabiliser les montants enrichissent leur budget de fonctionnement et les fiches de paie de leurs personnels et nous rien. C'est injuste !», proteste une manifestante. Sa collègue exhibe une pancarte où c'est écrit «des amendes par milliards et des salaires avec quelques dinars.»
D'autres griefs sont retenus par les protestataires contre leur tutelle nationale. «Nous manquons terriblement de moyens pour faire notre travail. Notre direction n'a même pas son propre siège. C'est monsieur le wali qui nous a prêté quelques bureaux.
Par ailleurs, au lieu de nous écouter et tenter de résoudre nos problèmes et nous affecter plus de moyens pour augmenter notre rendement, voilà que le ministère nous réprime à cause de nos protestations contre la hogra dont nous faisons l'objet. Il nous a diminué les montants de la prime puisée des fonds des ?uvres sociales qui sont nos cotisations. Un agent du ministère du même rang qu'un agent de notre direction touche un montant 3 fois supérieur. Est-ce de la justice sociale !»
Abachi L.


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