On l'appelle dans
le langage courant «Souk Echiffoun», le marché du
chiffon. Cet événement très populaire existe dans la plupart des agglomérations
du pays. Il a curieusement l'art d'attirer la plus grande concentration de
femmes et de jeunes venant de tous les horisons.Les
hommes, moins nombreux, se montrent généralement plus discrets dans ces
endroits.
Dés l'aube des
centaines, voire des milliers de personnes de tout age et de toute condition
affluent vers ce lieu où se tient le marché hebdomadaire de la friperie.
Les
marchands,venus la veille des quatre coins du territoire s'arrangent pour
installer avant le lever du soleil leurs tréteaux sur lesquels ils vont exposer
des tonnes d'effets vestimentaires Chacun d'eux vise généralement les besoins
et les goûts d'une catégorie bien déterminée qu'il essaie d'attirer par
l'achalandage de son étal :il y a le spécialiste de l'enfant,celui de la
femme,des vêtements de travail ou des fringues à la mode pour ado ;des
chaussures ou des trainings pour sportifs,des effets de literie,des lots de
ceintures et même de chapeaux aux formes et aux couleurs bizarroides.Les
habitués des lieux savent où se procurer parfois des marques dégriffées avec un
choix très vaste et des prix à la portée des petites bourses ;c'est-à-dire en
premier lieu à celle de ce qui reste de la classe moyenne et même des plus pauvres.Certains petits malins leurs collent les étiquettes
de grands couturiers et les remettent dans le circuit des boutiques de luxe
pour les bagarras.
Dés que les
différents moyens de transport commencent à déverser une foule bigarrée et
festive chacun s'empresse de faire le tour des travées du marché à la recherche
de la meilleure occasion à saisir. Pour les plus difficiles il est parfois
nécessaire de faire plusieurs tournées pour fixer leur choix ou simplement pour
satisfaire leur curiosité. Au milieu d'une cacophonie de criées amplifiées par
les mégaphones annonçant le bradage de telle marchandise ou les mérites de tel
autre produit on a de la peine à s'entendre. On rencontre au hasard de la
randonnée des personnes qu'on ne pourrait jamais soupçonner de fréquenter ce
genre de foire que certains ont injustement associé aux laissés pour compte.D'autres le considèrent tout bonnement comme le
point de chute des épaves humaines, une illustration de la déchéance sociale.
L'ego de certains
prend-il un coup en portant les vêtements déjà utilisés par quelqu'un d'autre ?
Parmi cette foule
il y a ceux qui viennent faire leurs emplettes pour leurs propres besoins et il
y a ceux qui achètent en gros par ballots entiers pour approvisionner leurs
échoppes en ville.
Les veilles de
fêtes et de la rentrée scolaire c'est carrément l'envahissement. Au delà des
prix pratiqués c'est avant tout la fiabilité du produit qui est recherchée et
la plupart du temps on trouve des vêtements neufs ou portés au plus une seule
fois avant de passer à la blanchisserie et emballés.
Ce qui change des
produits proposés par les grands magasins mais de piètre qualité malgré leurs
prix prohibitifs.Ils sont surtout destinés pour ceux
qui gagnent beaucoup sans trop transpirer.
Voyant que tout
le monde commence à les déserter et à se rabattre sur la friperie pour les
avantages qu'elle offre au consommateur, quelques gros bonnets de la
confection, dérangés dans leur bizness, n'ont pas trouvé mieux que de l'accuser
de véhiculer des maladies après l'avoir incriminé en vain de mettre en péril le
secteur de l'habillement.Pour chatouiller la fibre
nationaliste,ils nous enveloppent tout cela dans leur souci hautement
patriotique de la salubrité publique et de l'intérêt de l'économie nationale
.En réalité chacun peut facilement comprendre qu'au fond ce n'est qu'une
vulgaire cabale visant à éliminer un sérieux concurrent qui menace
dangereusement leur hégémonie sur ce créneau.
Sous la pression
de ce puissant lobby et apparemment sans aucune étude sociologique préalable
des habitudes de consommation de leurs concitoyens, les responsables du secteur
ont vite adopté la thèse des commerçants et autres importateurs de la camelote
taiwanaise.
Du jour au
lendemain on jugea que ces produis étaient nocifs pour la santé de la
population pour justifier l'arrêt de leur importation !
Comme d'habitude
nos députés ont, sans trop se fouler la rate, entérinés ces mesures sans aucune
réserve.Il est vrais qu'un regard toujours rivé
cupidement sur les cimes du pouvoir et de l'argent ne peut saisir le tempo de
la plèbe ni ses problèmes, encore moins ses attentes. La logique aurait du
recommander d'observer en premier lieu comment sont habillés la plupart de
leurs électeurs et de tirer la conclusion à formaliser en connaissance de cause
au lieu de se hâter de favoriser les objectifs des barons du domaine. Le fait
même que la plus grande proportion de la clientèle soit composée par la gente
féminine réputée pour son exigence et son sens des affaires renseigne à lui
tout seul sur l'utilité et l'opportunité de ce genre de marché qui existe
normalement sous d'autres latitudes sans soulever la moindre d'inquiétude. Que
celui qui estime appartenir encore à ce peuple prenne la peine de consulter le
peuple « brut à l'état massif » parce que plus spontané, donc plus
représentatif de l'Algérie profonde !
A part quelques
jeunes fortunés qui peuvent se permettre «elmarka »
les autres, c'est-à-dire la frange de la jeunesse laborieuse et des petits
salariés au pouvoir d'achat limité et surtout la nébuleuse des désoeuvrés
constituent la clientèle assidue de ce type de marché. Au lieu de revoir leur
stratégie de vente et éviter les erreurs qui ont conduit à la perte progressive
de grands segments de leur clientèle, les commerçants du prêt à porter, contre
toute logique, persistent à proposer dans les mêmes conditions des produits
rebutés par la clientèle.
Pour expliquer et
justifier leur difficultés à écouler leurs stocks ils
n'ont pas trouvé meilleur bouc émissaire que la friperie qu'on a chargée de
tous les maux de la société entre autres celui de colporter des germes de
curieuses affections. Pourtant personne n'a entendu parlé d'une quelconque
pathologie qu'on peu lui attribuer formellement et en toute bonne foi.
En contre partie
nos illustres représentants, en épousant la thèse de l'interdiction d'importer
ont malheureusement oublié de nous indiquer la moindre alternative c'est-à-dire
: comment nous habiller même modestement avec la faiblesse de nos moyens financiers.Mais puisque c'est un problème qui ne les
concerne plus directement…
Eux, ils peuvent
se permettre de se payer des fringues à coup de millions sans aucun souci,
quand la majorité de la population n'ose même pas faire du lèche vitrine là où
ils sont exposés tellement ils sont hors de portée. S'ils nous privent encore
de l'ultime recette qui reste au pauvre pour habiller sa marmaille grâce à la
friperie comment allons-nous faire.
Du temps où il y
avait une production nationale abordable donc capable de suppléer à cette
formule qui peut évoquer pour les plus sensibles tout de même une forme de
dégradation du statut social,la friperie n'avait pas
sa raison d'exister.Elle était inutile et personne ne
comprendrait l'idée d'encourager une concurrence à ses propres produits qui
satisfaisaient amplement la majorité.
Mais comme, sous
les injonctions perfides du Fmi, nos décideurs ont été forcés de se plier à ses
conditionnalités parmi lesquelles la fermeture des unités industrielles de ce
secteur, le démantèlement des barrières douanières et l'ouverture de notre
marché devant tous les rebuts de la planète, laissez-nous au moins la
possibilité de ne pas nous balader en tenue d'Adam et d'acheter au moins
quelque chose de sûr.
Rappelons-nous
combien ils avaient fière allure les copains à Beloumi,
Madjer et consorts de la fameuse équipe de 82 avec
leur éclatante tenue aux couleurs de l'emblème national, dessinée et fabriquée
par nos tailleurs de la Sonitex.
Hormis quelques
supputations personne n'a pu nous expliquer jusqu'à maintenant pour quelle
raison on l'a tout de suite abandonnée définitivement pour lui substituer la
tenue blanche genre sous vêtements ou encore l'affreuse tenue vert crapaud. A
l'époque l'Algérien pouvait se payer facilement la belle chemise Redman, le blouson de cuir et les chaussures Sonipec, les costumes de Bejaia, et tout ce que
fabriquaient nos usines ; tous des produits auxquels on pouvait faire confiance
et d'une qualité appréciable comparés à ceux qui nous envahissent maintenant.
Comme pour la pièce de rechange le consommateur évite ; comme la peste, celle
dite de Taiwan et lui préfère la pièce d'origine même usagée parce qu'elle est
plus fiable. A cause de la médiocrité et de la cherté des produits de gamme
moyenne destinée en principe au grand public les gens sont obligés de se
rabattre sur la friperie dont le rapport qualité/prix est de très loin plus
avantageux. Dans la situation actuelle du pouvoir d'achat qu'y a-t-il de
vraiment dégradant à fréquenter et à se vêtir à la friperie.De
grands pans de la société se servent sans se cacher de cette possibilité encore
à leur portée.
Nos spécialistes
devraient nous expliquer un jour, comment les Algériens ont été amenés à y
recourir pour se vêtir ?
Ce qui est
honteux par contre c'est de plier trop complaisamment sous le dictat des barons
de l'import import et de vouloir contraindre les gens à se saigner pour acheter
de la m…
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Posté Le : 20/10/2011
Posté par : sofiane
Ecrit par : Amara Khaldi
Source : www.lequotidien-oran.com