Algérie

UN RESISTIBLE MOUVEMENT DE REGRESSION


F in de partie en Egypte ' Une élection du général Ahmed Chafik, autant le nommer par son grade pour désigner clairement de quoi il est question, signifierait en tout cas la fin de la séquence commencée Place Tahrir et qui a entraîné la chute de Hosni Moubarak. Sa condamnation à la perpétuité, dans un verdict qui a exonéré les acteurs de la répression et ses propres fils et ulcéré les familles des victimes, peut être relue comme le clap de fin des «concessions» faites par le régime aux Egyptiens. Désormais, c'est le temps de la reprise en main, avec une incroyable action «préventive» de dissolution du Parlement et du rétablissement de la plénitude des capacités, arbitraires, de répression des appareils politico-sécuritaires du régime.
Les Frères musulmans, premières victimes de l'ukase politique, ont choisi - ce qui est le moindre mal - de réagir de manière mesurée en évitant d'engager immédiatement le bras de fer ou de retirer leur candidat face à celui du régime. C'est probablement un des objectifs des militaires qui ont organisé, à deux jours du scrutin, un guet-apens sur la présidentielle. Le Conseil suprême des forces armées (CSFA) a clairement commis un coup d'Etat judiciaire contre le Parlement mais ce qu'il faut noter est que grâce aux médias - qui appartiennent pratiquement tous aux cercles du régime -, ils ont conditionné une bonne partie de l'opinion publique. Les «révolutionnaires» de la Place Tahrir, très présents dans les talk-shows organisés par ces médias, ont péché par naïveté. Les Frères musulmans qui sont la principale force organisée du pays, après l'armée et les services de sécurité, ont péché par excès de calculs. Ils ont affiché en direction des militaires une disponibilité à conclure des «arrangements» et surtout leur message, en direction de ceux qui s'inquiétaient de leur volonté d'hégémonie, a été des plus équivoques.
Les forces du changement, entendu au sens large, se sont ainsi déchirées sur des questions importantes, mais peu urgentes, et ont laissé, sans réelle contestation, le soin aux militaires de gérer une période critique. Autant dire que c'est l'ancien régime avec ses relais politico-sécuritaires qui a géré la transition. Ils ont laissé faire un pas en avant avec les élections législatives qu'ils ont organisées avec des règles, minées, qu'ils ont édictées eux-mêmes. Ils ont laissé le temps à cette assemblée de se perdre dans des méandres sans fin avant de lancer un formidable pas en arrière qui risque d'effacer… carrément les concessions accordées. Rien n'indique que cette «normalisation» autoritaire va se dérouler comme l'ont programmé les tenants du régime. Mais il est clair que ce qui a été appelé, improprement, le «printemps arabe», qui est en réalité un mouvement, contrasté d'un pays à l'autre, pour la citoyenneté, est en suspens.
Il y a risque de régression qui, pour le cas de l'Egypte, n'en déplaise aux professions démocratiques, est approuvé en Occident. La question démocratique, à géométrie variable, ne pèse pas face aux priorités occidentales : le soutien à Israël et la volonté de contenir l'Iran, par tous les moyens. Si cette régression réussit dans la très stratégique Egypte, ses conséquences pèseront lourd sur le reste du monde arabe. Même la Tunisie qui semblait avoir si bien engagé sa transition est prise dans des dérapages sécuritaires avec pour acteurs visibles des salafistes bruyants et politiquement malléables. Il y a clairement un risque de régression si les acteurs du changement qui ont tous intérêt, quelles que soient leurs convictions, à un espace politique fondé sur les libertés et le droit, ne reprennent pas l'initiative. Cette régression n'est pas «irrésistible», elle n'est pas «inéluctable»… A condition d'être clair sur les enjeux et d'éviter de se tromper d'adversaires. Le reste est une affaire de combat politique qui n'est perdu que si on ne l'engage pas.


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