Algérie

Un renard US pour une histoire algérienne



La tentation est terrible d'y voir un clin d'oeil du cosmos,fripon divin, au peuple algérien. Jugez-en : une sorte de renard, une «mouffette » plus précisément selon les spécialistes, a été découvert dans unconteneur de pièces détachées à destination d'entreprises étrangères au sudalgérien. L'animal, chargé de transmettre un message subliminal, a survécupendant les trente jours de la traversée entre son pays d'origine, les Etats-unis,de Huston dit-on, et jusqu'à Mostaganem, en Algérie, en Afrique, derrière lacréation. Le faux renard sera donc, selon notre correspondant, traité selon lesdroits de l'homme imposés par l'Occident, bien reçu, fouillé, examiné par unvétérinaire et transféré vers un zoo. L'histoire se suffit donc à elle-même et n'a pas besoin de commentaires. Tout Algérienpeut écrire la suite de la chronique, tout seul, dans sa tête et en riant jaunede lui-même. Car si certains persistent à montrer que Dieu peut écrire son nomsur le dos des poissons, faut-il s'étonner de voir la biographie du tiers-monderésumée dans la harga d'un seul renard ? Et c'est là que la tentation devientirrésistible : on peut être nationaliste intime, fier de sa terre mais sans enfaire une médaille en plastique, soucieux de ne pas blesser les gens même s'ilssont morts depuis leur indépendance, on ne peut s'empêcher de voir dans cettehistoire, une histoire comique et cosmogonique. Ce genre de comique où lecosmos résume parfois son rire secret pour alléger le poids qu'il a sur lesépaules de ses habitants et dont certaines religions font cas à desseins depsychologie des profondeurs. Car, immanquablement, on se remet à penser à ceparallèle désastreux pour notre image, entre l'histoire de ce renard etl'histoire de nos harraga. Immanquablement on se met à répéter, que là où leshommes valides fuient vers l'Occident pour y vivre, les animaux immigrent versnos pays pour s'y confondre. Inévitablement, on se met à pérorer que le renarda eu droit en Algérie à ce que les harraga ont parfois droit, ou en rêvent, enOccident : un vétérinaire, un peu de respect, un bon accueil et un zoo enattendant l'éclaircissement de la situation administrative. On pourra résisterautant que l'on peut, ce faux renard aurait fait la joie d'un De la Fontaine de la droitefrançaise, travaillant au journal « le Figaro » et auteur de quelques livressur les invasions barbares. On pourra éviter autant que faire se peut laconclusion, mais il se trouve que ce renard Us a été mieux traité que lesanimaux locaux du parc d'El Kala et sans aller jusqu'à s'insulter en parlant dureste de l'humanité locale. Il s'agit d'une sorte de signe malicieux sur lesgrands mouvements migratoires qui vont redessiner le monde : les animaux versle sud, l'humanité vers le nord, les noyés au milieu. Pourquoi ? Parce quec'est selon. Toute peur de faire dans le cliché ne pouvant repousser cetteconclusion plate : où peut vivre un bon faux renard ? La réponse est évidente. Cecipour le ricanement. Pour le reste, il suffit d'approfondir la méditation : leplus tragique dans cette histoire qui participe de l'accident ou del'exportation frauduleuse d'un animal dans un conteneur de pièces détachées, c'estqu'elle provoque automatiquement une seule interprétation féroce, une seulelecture impitoyable de son propre réel qui n'attend que ce genre de gratuitépour y fonder les raisons de son amertume, de son désespoir. Si on voit déjàune moquerie impersonnelle dans l'histoire d'un renard bien accueilli chez nous,venu au pays caché dans les caisses d'un navire, c'est que déjà tout se moquede nous et que nous ne valons presque plus rien au yeux de nos reflets dans lesmiroirs de l'époque. Au point de se voir résumé dans le cas d'un seul renard.




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